31 juillet 2010

Guy Millière et le petit con.

Echange standard avec un chroniqueur de l'agence de presse MENA, investigation et sujets de géopolitique. les chroniqueurs se remarquent par leurs engagements parfois courageux, mais aussi parfois par des prises de arguments pas toujours fondés.

Hier, c'était Guy Millière qui s'exprimait sur les déclarations pas finaudes d'Oliver Stone, cinéaste démago. Celui-ci a déclaré « Hitler a fait bien plus de mal aux Russes qu’au peuple juif, 25 ou 30 millions ». Le réalisateur du très controversé JFK a continué en évoquant l’influence des juifs sur la politique américaine : « Il y a un très gros lobby aux Etats-Unis. Ce sont de gros travailleurs. Ils restent au sommet de tous les commentaires, le lobby le plus puissant à Washington. Israël a foutu en l’air la politique étrangère des Etats-Unis depuis des années ». Peu après il ajoutait : « Il est évident que les Juifs ne contrôlent ni les médias ni aucune autre industrie. Le fait que l'Holocauste soit, encore de nos jours, un sujet très important, présent dans les mémoires et dans les débats est, en fait, dû au dévouement exemplaire d'une large coalition de personnes déterminées à perpétuer le souvenir de cette atrocité - car ce fut bien une atrocité ».

Guy Millière, c'est un journaliste plutôt très atlantiste, très "choc des civilisations", se situant du côté de la civilisation capitaliste et judéo-chrétienne. C'est un universitaire (assistant à l'Université Paris-8) présent dans des think-thank libéraux, comme l'Institut Turgot en France & en Belgique, l'American Enterprise Institute, etc.
Guy Millière a publié dans la MENA un article fait d'amalgames, mêlant des notions distinctes et tendant à prouver que Stone aime Hitler et que le conflit contre les Juifs intègre, en gros, les trois quarts de la planète.
La discussion pour savoir si Stone est ou n'est pas antisémite n'a pas beaucoup d'importance : ce cinéaste fonctionne à la fascination, il aime que son cinéma impressionne les spectateurs autant que lui-même est impressionné par les figures d'une supposée contre-culture — fussent-elles hostiles aux Juifs. ce qui m'intéresse, ce sont les arguments développés par Guy Millière. Je me suis fendu d'une réponse — il m'a répondu — et je lui ai encore répondu, plus longuement encore. J'ai tenté dans mes messages de pointer ses incohérences, ses amalgames. tenté de lui dire aussi qu'il n'a pas, en face de lui, que de la malveillance. Qu'on peut être de gauche et pas antisémite, tout ça, bref... 
J'aurais pas dû, c'était une perte de temps, vu le zozo, mais ça, je m'en suis rendu compte après. 

Notre échange me semble éclairant sur les états d'âme d'un journaliste qui se berce d'illusions pour mieux se poser en victime.

Voici l'article de Guy Millière, visible sur le site http://www.menapress.org/

Oliver Stone aime bien Hitler
Par Guy Millière © Metula News Agency - 28 07 10

"La France politiquement correcte a adoré les films de Michael Moore. Tout particulièrement Fahrenheit 9/11.
Même si nul ne conteste plus que le cinéaste a eu recours à la falsification et au mensonge, on vous répondra, comme l’a fait un commentateur lors d’un bref échange que nous avons eu, voici quelques mois, sur l’antenne d’une grande station de radio, que mentir pour la bonne cause est une action tout à fait excusable, voire digne de louanges.
Je n’irai pas jusqu‘à affirmer que le fait que Michael Moore ait écrit des pages antisémites ne le dessert pas du tout, mais je le pense.
Il est un autre cinéaste que la même France apprécie beaucoup : Oliver Stone. Après des films ouvertement marxistes et férocement haineux à l’encontre des Etats-Unis, celui-ci semblait s’être assagi en réalisant World Trade Center, film émouvant et tout à fait acceptable sur des sauveteurs se retrouvant pris dans les décombres de l’effondrement des Tours Jumelles, le 11 septembre 2001.
S’ensuivit une biographie de George W. Bush, appelée W, dont je pensais devoir attendre le pire et qui s’est révélée plutôt gentille pour celui qui fut, pendant sa présidence, l’homme le plus détesté de la Terre, loin devant Ben Laden.
Mais Stone n’est pas homme, semble-t-il, à se laisser glisser doucement vers le confort et les bons sentiments. En cette seule année, il a réalisé une suite à son pamphlet caricatural Wall Street, appelée Wall Street, Money Never Sleeps (Wall Street, l’argent ne dort jamais), qui devrait sortir bientôt en salles et ravir tous ceux qui communient dans la haine de l’argent, la détestation de la finance, et dans l’anticapitalisme viscéral.
Cela ne suffisant pas à refaire sa réputation, il a aussi produit un documentaire déjà sorti aux Etats-Unis, et qui devrait atterrir prochainement en France, intitulé South of the Border (Au sud de la frontière), où les nostalgiques du Stone marxiste trouveront de quoi satisfaire leurs appétits et défouler leur frustration.
Le sujet est le caudillo Sud Américain Hugo Chavez, dépeint comme un saint homme, ami des pauvres, empreint d’une générosité sans bornes, en proie à l’hostilité illimitée de l’odieuse puissance impérialiste située au Nord.
Dans le pays où Stone a précisément le courage extraordinaire de résider et de gagner sa vie de résistant, en prenant de temps à autres un peu de repos au bord de sa piscine, dans l’horrible quartier de Beverly Hills.
« Gauchiste » est leur carton d’invitation à demeure chez les bienpensants,
« antisémite », l’un de leurs dénominateurs communs
Outre Hugo Chavez, on retrouve, au fil des séquences, d’autres personnages très sympathiques et extrêmement épris de liberté, Evo Morales, dirigeant du mouvement des planteurs de coca, la plante dont on tire la cocaïne, et président gauchiste de la Bolivie ; Rafael Correa, président gauchiste de l’Equateur, Lula da Silva, président progressiste du Brésil, et, bien sûr, Raul Castro, dictateur en exercice de Cuba, et successeur de son frère Fidel, à qui Stone avait déjà consacré deux documentaires élogieux en 2004.
Ronald Radosh, auteur de nombreux livres scrupuleux a écrit, au moment de la sortie de South of the Border aux Etats-Unis, tout ce qu’il y a à en dire : « C’est une narration d’extrême-gauche, qui fait partie d’une longue lignée de films de propagande totalitaire, une version américaine de la vieille agitprop soviétique.
Il n’y a pas une seule voix discordante dans le film. Et aucune mention du fait que M. Chavez a fait fermer les stations de radio et de télévision vénézuéliennes qui ne lui convenaient pas, et fait arrêter les dirigeants politiques qui étaient en désaccord avec lui ».
Stone, qui veut décidément, tout invite à le penser, laisser une trace marquante, travaille à une série documentaire appelée Oliver Stone's Secret History of America, l’histoire secrète des Etats-Unis vue par Oliver Stone.
Son objectif non dissimulé est de traîner un peu davantage dans la fange, non pas seulement quelques épisodes de l’histoire de son pays, mais l’intégralité de celle-ci.
On apprend qu’y seront réhabilités des personnages aussi nobles que Staline, Mao, et, bien sûr, le trop mal aimé Adolf Hitler. Je ne doute pas qu’une chaîne française saura acquérir les droits de diffusion de la série. Je ne doute pas non plus que certains lui trouveront des qualités et écriront qu’elle donne à réfléchir.
Oliver Stone a rencontré, au cours de ses récents voyages, le gentil Mahmoud Ahmadinejad, qui a dû lui donner des conseils sur la façon de lire Mein Kampf et de lapider les femmes infidèles.
Expliquant pourquoi on parlait encore tant de la Shoah, Stone, dans un entretien accordé au Times de Londres, expliquait que cela venait de « la domination juive sur les media », et ajoutait, avec délicatesse, « Israël a ‘foutu la merde’ dans la politique étrangère américaine depuis des années ».
Revenant à celui qui paraît être devenu son penseur favori, il précisait : « Hitler est un bouc émissaire trop facilement utilisé ». Yuli-Yoël Edelstein, ministre des Affaires de la Diaspora en Israël, a dit, à juste titre à mes yeux, que ces remarques étaient « antisémites ».
Stone répondra vraisemblablement qu’il n’est pas plus antisémite que son confrère Moore, qu’il déteste surtout Israël (l’entité sioniste, comme ils disent), et que les seuls Juifs qu’il n’aime pas sont ceux qui soutiennent Israël, qui se souviennent de la Shoah, et qui n’ont aucune sympathie et pas la moindre compassion pour Adolf Hitler.
Je crains que ce genre d’explication finisse par devenir acceptable en France. Michael Moore peut être antisémite de la façon qui convient en France aujourd’hui : c’est un antisémite d’extrême-gauche. Stone entre dans la même catégorie.
(...)

* * * * * * *

Ma réponse à Millière, via l'agence La Mena :

"Voilà,
c'est ça le problème. L'auteur Guy Millière affirme avec aplomb que "nul ne conteste plus que le cinéaste (Michael Moore) a eu recours à la falsification et au mensonge". C'est faux. Il y a eu polémique sur le caractère partisan du film, mais aucun fait cité ne pouvait être nié  et c'était ce qui était très dérangeant dans ce film.
Un peu comme dans l'excellent Décryptage, de Jacques Tarnero : partisan, parfois misérabiliste, mais authentique.

Evo Morales, Rafael Correa, présidents de pays d'Amérique du sud, ne sont pas des manipulateurs comme Chavez, n'ont pas de discours idiots et haineux comme lui (comme quoi ce n'est pas être de gauche qui est dangereux, c'est mener une politique aux frais d'une population ciblée, et j'en connais à droite autant qu'ailleurs qui font cela). Morales et Correa ont des actions politiques incroyables, exemplaire, dont on devrait constater ce qu'elles ont de bénéfique au lieu de stigmatiser leur "gauchisme" sans autre forme de procès.
Et à propos de la coca et de ce que c'est... que Millière se renseigne...

"Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde" ? [il s'agit de l'exergue du site de la Mena]. Mentir également, et citer Camus ne protège pas de la démagogie

Quant à Stone, il s'est assagi après des films ouvertement marxistes !!! qu'est-ce qu'il faut pas lire ! Et Millière, en revisitant l'histoire à sa guise, il tente de s'assagir ou bien il tente de n'être plus qu'à l'écoute de ses propres terreurs ?

Je ne soutiens pas Stone quant à ses fréquentations iraniennes, quant à sa vision simpliste et manichéenne du monde. Lui-même, comme réalisateur, fait du gros spectacle bien hollywoodien, en réduisant tout discours à des divertissements sentimentalistes — que ce soit sur le Vietnam ou sur les Doors.

Aujourd'hui il ajoute la haine à la médiocrité artistique.

Si ce n'était pas Stone, je ne pourrais pas donner tort à qui affirmerait que si on parle tant de la Shoah, ça vient de « la domination juive sur les media ». Les métiers liés aux médias donnent une visibilité et une influence.

Peut-on nier que sur 15 millions de Juifs, on trouve bien plus 10% de journalistes juifs ? Que sur moins de 0,8% de population juive, on en trouve autant dans les médias ... ET QUE CA N'A AUCUN IMPACT SUR LES LIGNES EDITORIALES ? que beaucoup de Juifs eux sont producteurs, journalistes ou patrons de presse ? Qu'il y a 3 jours peine, il y avait 2 émissions sur les Juifs sur deux chaînes différentes à la même heure ?
Y en a-t-il autant sur les Sri-lankais, les Chinois ?
Est-ce parce que ces sujets sont réellement importants, ou est-ce pour flatter une minorité influente ?

Il y a des métiers juifs (médias et métiers libéraux) comme des métiers asiatiques (rtextile, estauration), des métiers de subsahariens (chantiers), des métiers de femmes... Ca n'est pas sans conséquences, et surtout il est contre-productif de le nier.

Quant à «Israël a ‘foutu la merde’ dans la politique étrangère américaine depuis des années»... dans la mesure où ils existent comme lobbie important empêchant d'agir sans passion, c'est vrai.
Nous avons encore cet avantage en France que les lobbies n'influent pas autant qu'aux USA sur la politique intérieure et extérieure. Mais l'oecuménisme et le réflexe sarkozien de flatter et d'attiser le communautarisme (musulman ou juif) nous en rapproche.

Je ne comprends pas l'intention de Millère d'amalgamer Stone et Moore, de comparer Morales, Correa, Ahmadinejad et Chavez, de rapprocher grossièrement gauchisme et antisémitisme... je n'en déduis qu'une chose : l'intention est-elle de crier haro sur tout ce qui est de gauche (comme Béhé quand il parlait de "ceux qu'on nomme les altermondialistes") pour les dénigrer ?

Guy Millière, on ne fait pas de journalisme qu'avec son ventre.
janfeig"

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La clinquante réponse de Millière (clinquante, je veux dire, un peu bling-bling) :

"Vous semblez ne pas savoir de quoi vous parlez. Je me situe sur le terrain de la connaissance. Si vous faisiez de même, vous auriez pris connaissance du livre que j’ai consacré à Michael Moore dans lequel je démonte point par point l’ensemble des mensonges et falsifications contenus dans les films de Michael Moore, tous ses films, jusqu’à Sicko (le dernier film de Moore n’était pas sorti quand j’ai écrit le livre). Il y a des centaines de notes renvoyant aux sources originales. Tous les "faits" cités par Moore sont falsifiés. Renseignez-vous avant d’écrire. Vous pouvez lire en anglais aussi Do As I Say de Peter Schweizer, ou Michael Moore Is a Big Fat Stupid White Man de David T. Hardy, ou encore Forgive Us Our Spins: Michael Moore and the Future of the Left, de Jesse Larner. Quand vous aurez lu, vous commencerez, commencerez seulement à savoir de quoi vous parlez.
Pour Oliver Stone : je vous recommande quelques articles qui vous permettront eux aussi de vous cultiver : Myles Kantor, Oliver Stone's Cuban Lovefest, Frontpagemagazine, 4 mai 2004, et The Real Oliver Stoned Story, de Steven Plaut, toujours dans Frontpage, 2 juin 2005.
Sur Morales et Correia : Terrorists, Marxists, Leftists and the Democrats de Lance Fairchok, americanthinker.com, 10 mars 2008, ou le livre de Douglas Schoen et Michael Rowan, The Threat Closer to Home: Hugo Chavez and the War Against America, Simon and Schuster, 2009. Je suis renseigné, merci. Je n’ai pas d’opinion. J’ai des faits. Je suis historien, économiste et géopolitologue.
De la part d’un juif, je suis très surpris de vous voir cautionner des accusations antisémites. Il y a un très grand nombre de juifs parmi les artistes et les scientifiques. Si on est antisémite, on parle comme Stone. Si on n’est pas antisémite, on dit que la culture juive incite à l’étude et à la créativité et que cela donne des accomplissements remarquables. Je me place dans la deuxième catégorie, car c’est une fois encore celle des faits.
Les affirmations concernant l’influence d’un lobby juif sur la politique étrangère américaine relèvent du mensonge et ne reposent une fois encore pas sur les faits. Le livre de Walt et Mearsheimer est très aisément réfutable, même si, comme tout ce qui dissémine des rumeurs nauséabondes il fait des dégâts. Je vous conseille, là : Abraham Foxman, The Deadliest Lies: The Israel Lobby and the Myth of Jewish Control, Palgrave Macmillan, 2007, et Alan Dershowitz, The Case Against Israel's Enemies, Wiley 2009.
Quand vous aurez fait un peu de travail de lecture, nous pourrons éventuellement, reparler.
On n’écrit pas sur des sujets qu’on ne connaît pas. Etant professeur d’université, si vous étiez étudiant, je vous dirais de retravailler votre sujet, et j’ajouterais que votre copie ne mérite pas la moyenne."

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C'est bon, j'ai pigé. Désolé, M. Millière, c'était une vraie perte de temps. je ne suis pas savant ni expert médiatique, donc je ne sais pas penser. Je suis consterné par cette vision de l'omniscience des élites universitaires. J'abdique.