7 septembre 2015

Chômage et littérature enfantine

Je suis tombé par hasard sur deux bouquins pour enfants qui parlent d'un papa chômeur. Deux histoires à caractère pédagogique. Cela m'a permis de voir comment des auteurs — déjà reconnus dans le métier de la littérature enfantine — ont décidé d'aborder le sujet du chômage avec les enfants. 
Le papa d'Héloïse est au chômage, de Fanny Joly & Claire Franek (chez Hachette) présente le papa d'un enfant que fréquente le héros, un homme qui traînasse avec sa honte d'être sans travail. Là, l'auteur a mis le phénomène un peu à distance  : le chômage qui touche les parents des autres, c'est sans doute plus facile d'en parler.
Le Père de Max et Lili est au chômage, BD des auteurs prolifiques Dominique de Saint Mars & Serge Bloch (chez Calligram), est un peu plus directe : les petits héros sont touchés eux-mêmes puisque c'est leur papa qui est sans emploi.

Il y a plein de façons d'aborder le chômage : on peut parler de choix de vie, de l'exclusion, du temps libre, des allocations perçues, de la souffrance que génère le chômage brutal et imposé, etc.
Mais les deux livres présentent une vision commune : un papa oisif, dos vouté et plein d'amertume, qui cache sa souffrance d'être sans travail — l'un des deux papa va même jusqu'à hanter Pole emploi en masquant son visage ! Dans les deux livres, les enfants, qui comprennent qu'il y a quelque chose à cacher, commencent par parler de maladie pour appréhender le chômage. C'est dire. Les pages suivantes racontent la honte, le secret, les douloureuses prises conscience, les pleurs et les disputes. On en sort convaincus que ne pas travailler, c'est pathologique, c'est la loose. Bien sûr le chômage est souvent une épreuve, mais ce qui est gênant ici, c'est le climat perturbant, le tabou qui entoure le fait d'être sans activité salariée.

On arrive aux deux dénouements. Comment les enfants vont-ils apprendre à accepter une situation de chômage ? Bah, il suffit que les pères retrouvent du boulot, tiens ! Le papa d'Héloïse sera comptable pour le monsieur qui lui donne ses cours de tango ; celui de Max et Lili travaillera au service informatique d'une usine.
On n'est pas étonné d'apprendre que les nouveaux emplois des papas, c'est pas manœuvre sur un chantier ni agent de sécurité de nuit. Parce que bon, ces libres ne racontent pas les parents de Jasmine ou de Dylan, mais les parents de Max, de Lili et d'Héloïse. Ils appartiennent à une classe sociale qui peut sans doute considérer le chômage comme une épreuve temporaire (c'est le cas dans les deux livres) et non comme un environnement permanent.
Parler du chômage aux enfants en évacuant les aspects politiques (l'insécurité sociale, le chômage de masse, l'exclusion, le coût du travail), c'est plus simple, sûrement, mais ça signifie de passer à côté de quelque chose.

Bien sûr, quand on est au chomdu on a moins d'argent... mais on aimerait que les enfants puissent percevoir dans le chômage autre chose que le manque, la honte, la tristesse. Surtout si leurs parents connaissent le chômage persistant. Le chômage peut aussi être perçu comme une réalité politique, et au sein de laquelle on peut se débrouiller et recréer des liens collectifs, la fameuse économie informelle. Le chômage peut impliquer : du temps libre ; d'autres apprentissages ; de l'autogestion ; de la joie, etc.
Il faut vraiment que je propose quelques titres de littérature enfantine sur le chômage, avec des histoires abordables ET un point de vue politique.