31 janvier 2024

"Demain est annulé" : une expo pour cacher comment EDF participe au réchauffement climatique

Voici une belle histoire de Greenwashing.

Jusqu'au printemps 2024 la Fondation EDF propose un événement, Demain est annulé : une expo gratuite dans les locaux de la fondation. Énorme mytho, donc petit debunkage !

Demain est annulé

L'exposition nous invite à "rêver ensemble un monde plus sobre", à "faire émerger une société plus harmonieuse et plus juste", et à "aider les individus à se reconnecter aux autres & à la nature".

Faire croire à l'action écologique quand, chaque année, on intensifie la destruction du vivant, quoi de plus hypocrite ? On assiste à l'action d'une de ces entreprises que certains appellent des criminels climatiques, ces géants de la destruction qui chantent des discours vertueux. On assiste au greenwashing que les chercheurs de l'Atecopol dénoncent. Laure Teulières, historienne à l'université de Toulouse, explique ce font des industries comme EDF : « Initialement, le greenwashing, ça a été de dépolitiser, masquer les problèmes, donner l'impression fallacieuse qu'ils sont pris en charge".... Le résultat, c'est qu'on tarde à se saisir les enjeux, c'est-à-dire qu'il y a un retard dans l'opinion publique à comprendre ces enjeux dans leur effet systémique, leur complexité, leur dangerosité. Donc ça retarde l'action, d'autant plus dans nos régimes démocratiques où l'on compte sur l'élan des citoyens pour que ça bouge (...) Mais il y a plus : il faut bien comprendre que retarder l'action, ça conduit à un verrouillage dur de la situation ; on est dans un tel cadre de changement écologique (problèmes climatiques, effondrement de la biodiversité, contaminations généralisées...) de perte de l'habitabilité de notre monde à brève échéance, que chaque bifurcation qu'on rate referme nos capacités d'actions. Referme la possibilité que le monde de demain soit viable et désirable. Aujourd'hui, le greenwashing prive les populations, les enfants de demain, de vivre dignement dans ce monde. Et avec nous, tout le reste du vivant. »

Dans les faits :

EDF continue à développer des monstres tueurs pour les générations futures : les centrales nucléaires et les EPR. Les installations nucléaires sont un gouffre financier mais surtout : destructrices pour des millénaires, risquées malgré les sourires rassurants qui couvrent les alertes, gigantesques consommateurs d'eau de nos rivières. (Je vous laisse trouver les sources, y'en a plein.)

- EDF a passé un contrat avec China Energy, le plus gros constructeur mondial de centrales à charbon. Des millions de tonnes d'émissions carbone soutenues par notre pays, mais loin de chez nous hein. L'entreprise française détient déjà 20% des parts d'un consortium chinois de 3 énormes centrales ultra-polluantes. En résumé, EDF finance largement le réchauffement climatique.

- EDF vient de signer avec Arcelor Mittal un accord pour électrifier une centrale nucléaire. Détail : Arcelor Mittal est le plus gros émetteur carbone en France, et malgré les mines réprobatrices de façade de nos gouvernements, cela ne l'a pas empêché d'engranger 25 milliards € en 3 ans et d'être ultra-subventionné par l'Etat.

- La Fondation EDF est une fondation à but lucrat... euh pardon, philanthropique (enfin, du moment que ça rapporte des biftons). C'est un organisme spécialisé en redorage de blason, c'est un peu le département "Bonne conscience & Greenwashing" d'EDF.

- EDF surfe honteusement sur nos luttes et nos espoirs : depuis 2020, "Demain est annulé" est aussi le nom d'un collectif d'artistes qui monte des spectacles écologistes et populaires. On peut donc le dire : EDF touche de l'or et en fait de la merde.

Quant au visuel de l'expo, c'est les fameuses warming stripes proposées par l'université de Reading en Grande-Bretagne, un dispositif qui permet de visualiser l'évolution historique des moyennes de températures. En résumé, EDF favorise toutes les activités qui participent au réchauffement et aux destructions du vivant, en affirmant qu'il mène un combat écolo. C'est bien crade.

Enfin, l'idée de se concilier des artistes du monde entier participe à bâtir l'identité "progressiste", "ouverte sur le monde" de EDF. Des artistes, des personnes qui imaginent et qui créent, mais qui peuvent difficilement refuser un coup de pouce financier et un coup de projo sur leurs œuvres. On appelle ça du mécénat : c'est tout bénéf pour l'image d'EDF.

 

Autre chose, très problématique. 

Avec son exposition "Demain est annulé, la Fondation EDF nous invite aux petits gestes, à nous améliorer personnellement, en évacuant toute idée de changement structurel. Le géant de l'énergie pointe nos responsabilités individuelles mais jamais l'action collective, politique. Le système n'est pas remis en question. 

Le pire est qu'il nous enfume avec un discours ésotérique issu de croyances new age, Il n'y a qu'à lire le nombre d’occurrences de mots comme élévation, spiritualité, accomplissement de soi... bref : les gourous apprécieront, mais les populations les plus exposées par les changements climatiques, pas du tout. Notons que parmi les commissaires d'expo on trouve Dominique Bourg, star de l'écologie comme Rahbi ou Hulot en furent... hum hum.  

On retrouve d'ailleurs Bourg grenouillant dans le milieu de l'anthroposophie — puisque selon lui, "il ne saurait y avoir d'histoire du mouvement écologique sans parler d'anthroposophie" — et peu intéressé par la démocratie et la justice sociale. Aujourd'hui et sans surprise, le philosophe se fait le conseiller d'une grande industrie qui impose ses pratiques toxiques et son capitalisme agressif (pléonasme). Bravo Luc Rémont, bravo le PDG oligarque.

DEMAIN EST ANNULÉ : du développement personnel. Des discours de coach. Des prières à Gaïa. Tout pour ne pas aborder les solutions structurelles, tout pour nous détourner des chemins de l'esprit critique. 

Voilà, on espère vous avoir donné très envie d'aller voir cet événement promotionnel 😏

19 juillet 2023

Il est partout : l'effet "tube néon" pour les titres de films

 

Ce mois de juillet c'est la sortir du film Joy Ride mais je ne vais pas parler de ce film. Désolé si ce début ne rime à rien. En fait je vais parler de l'affiche du film, et plus précisément du lettrage de son titre.

Je m'intéresse depuis longtemps aux motifs visuels des images commerciales : comme les graphistes publicitaires le savent, les motifs visuels sont des messages, ils impliquent des réaction diverses de la part du public : désir, rejet, fascination, trouble... L'usage des codes visuels est une technique de manipulation. Ici, le titre du film Joy Ride est constitué de lettres qui imitent les tubes fluo : du bleu, du rose, vif et flashy comme un enseigne lumineuse. Qu'est-ce que nous raconte ce motif ?

Les lampes à décharge au gaz néon (Ne), inventées au début du XXe siècle et largement utilisées à partie des années 1930, ont permis d'éclairer les commerces d'un orange caractéristique, intense et dynamique : cinémas, clubs de nuit, dancings et fêtes foraines. Peu à peu d'autres gaz furent utilisés, notamment la vapeur de mercure ou d'argon pour obtenir diverses couleurs. Capter le regard, éblouir. Toute l'industrie du spectacle en a bénéficié.
 
Times Square, années 1930. Boradway années 1950. Boulevard de Clichy en 1954
 
Aujourd’hui on utilise généralement des lampes LED, mais on parle de tubes à fluorescence.
En quelques décennies, les "tubes fluo" sont devenus le moyen d'évoquer à la fois : le monde de la nuit, les errances urbaines, la tension sexuelle, l'inconnu, les économies parallèles, sans oublier l'essor des drogues, la lumière du shoot et les visions psychédéliques.
On comprend que les artistes contemporains se soient intéressés aux tubes fluo : cette technique populaire et tapageuse a un effet immédiat. La Maison rouge, galerie parisienne, en avait même fait l'objet d'une expo en 2012, et de nombreux artistes actuels, comme Neonardo, utilisent ce motif.
 
Francois-Morellet : trames de néons, 1972 + Triple X Neonly, 2012.
Frank Horvat : Up and down - 1984
 

2 septembre 2022

Ce que les urinoirs alignés font aux hommes...

> attention, sociologie des toilettes pour hommes <

Les hommes ont toujours connu les urinoirs alignés, vous savez, on est debout les uns à côté des autres, on s'entend, on peut se voir, il y a parfois une petite paroi à hauteur de la taille, ou bien pas de paroi. On est censés s'y habituer.
 
A l'école, au lycée, dans les vestiaires du gymnase, à l'armée, au taf, le "mobilier sanitaire" des toilettes pour hommes leur d'accepter de s'exhiber sans le vouloir. Chacun peut y exercer une sorte de contrôle mutuel sur l'autre : sans le vouloir mais tout en ayant les moyens de s'épier, on peut mesurer l'aisance de l'autre, la durée, l'intensité de l'acte, et tout dans ces situations est si bruyant, si visible, que pour beaucoup d'hommes il y a une vraie difficulté.
Parmi les hommes, nous sommes nombreux à avoir connus le fameux blocage : pisser côte à côté, on s'y habitue parfois au prix de plusieurs années de forte gêne. On fait semblant de s'ignorer même si c'est impossible, mais celui qui parvient à pisser comme s'il était seul apparaît comme un vrai gars.
 
Il y a cette idée implicite que c'est un aveu de puissance — parce que si tu peux pisser en public, c'est que tu... peux.
Les codes de la masculinité consistent souvent à mettre les mecs en concurrence sur des critères liés au sexe, au genre, aux organes génitaux. L'un des codes de la masculinité, c'est que celui qui ne peut pas pisser en public avoue implicitement son impuissance.
Les urinoirs alignés sont un test de masculinité. 
 
Moi, comme beaucoup d'autres mecs, j'ai longtemps été empêché de pisser, préférant les cabinets fermés. D'autres hommes, quand ils sont les seuls à attendre de s'enfermer pour se soulager, passent pour des fragiles, l'insulte suprême des masculinistes. On en est encore là.
 
Il suffit de voir, dans les représentations collectives (le cinéma notamment), de quoi les chiottes de mecs sont les décors : lieux où des hommes de pouvoir scellent des accords secrets, où des hommes en tabassent et en humilient d'autres... Lieu de puissance ou d'exclusion.
 
Les urinoirs alignés sont un dispositif qui favorise l'exclusion, le harcèlement scolaire, les humiliations publiques. Je n'ai jamais compris leur existence. Sauf dans les situations d'urgence (teufs, manifs, festivals, camps éphémères d'accueil...), rien ne justifie ces dispositifs.




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4 avril 2022

C'était mieux avant ?

Je viens d'une époque où chaque samedi, la télé de Collaro diffusait le strip-tease d'une jeune fille devant un parterre de crevards bavants, et montrait un sketch où des humoristes prenaient des airs efféminés pour chanter "j'ai attrapé la maladie honteuse". Une époque où le mot sida était surtout une source de blagues salaces. Une époque où l'on se moquait outrageusement et publiquement des femmes, des gays, des juifs ou des immigrés. Une époque où Leeb faisait rire en imitant les visages des noirs, où Lagaf' chantait la zoubida et où, dans les films, on représentait les asiatiques comme des êtres obligeants mais fourbes.

On appelait ça la liberté d'expression.

Je viens d'une époque où Bouvard, Collaro, Fabrice, Roucas, Guy Montagné, Guy Lux, Foucault, Dechavanne Arthur, Cauet, donnaient au PAF un air de dortoir pour bidasse. A cette époque les poètes n'avaient aucune place.

Je viens d'une époque où les groupes de musique antillais, brésiliens ou africains ne passaient à la télé que pour ajouter du rythme et de la gaieté. Une époque où l'on mettait Touré Kunda à égalité avec la Compagnie créole. Une époque où le Club med prospérait sur l'exotisme festif des pays du sud, et où le village Bamboula était un joyeux parc d'attraction de Loire-Atlantique.

Je viens d'une époque où les femmes, dans les pubs, étaient : soit ultra maquillées avec robe rouge & talons hauts pour vendre des bagnoles ; soit sages avec un petit chemisier blanc pour vendre de la lessive. Une époque où les animatrices TV jouaient le rôle de bimbos cruches et maladroites, et étaient remisées à la radio quand elles dépassaient 40 ans.

Je viens d'une époque ou Giscard, Mitterrand, Chirac étaient appréciés malgré leurs erreurs politiques, car fallait reconnaître, hein, c'étaient de vrais hommes — c'est-à-dire des gros queutards. A cette époque, DSK, PPDA, Tron, Duhamel, Polanski et les autres avançaient dans l'admiration générale.

Je viens d'une époque où M6 explosait grâce à des émissions "libertines" : des jeunes femmes se caressaient lentement en regardant la caméra sur une mélodie paresseuse au saxo, et les scénaristes n'offraient qu'un seul modèle sexuel, pauvre et humiliant. Une époque où l'on attendait que "Demain j'enlève le bas", selon la promesse d'une pub, et où l'on s'extasiait que Le juge est une femme. Une époque où la France n'avait pas de Freddy Mercury, pas de Joplin, pas de Laurie Anderson, pas de Jimmy Somerville ni de Klaus Nomi, aucun Hendrix ni de Prince. Et sans déconner, les grandes chanteuses de mon époque c'étaient Mireille Mathieu, France Gall et Mylène Farmer. Le grand public pouvait juste changer de registre avec Lio.

Une époque faite PAR et POUR les mâles dominants. Balavoine était le summum de l'anti-Johnny, c'est dire.

Je viens d'une époque où le modèle de l'homosexualité était résumé dans La cage aux folles. Une époque où l'on gloussait à longueur d'antenne, comme dans les salles de garde et même les profs en riaient. Une époque où il était de mise d'imiter les homosexuels pour mieux s'en distinguer. Une époque où faire son coming out était rare et téméraire, d'ailleurs le mot coming out n'existait pas.

Je viens d'une époque où les blagues sur les Arabes et les Noirs constituaient la plus grande part du champ humoristique national. Une époque où les insultes racistes infamantes n'avaient pas court seulement chez les flics... Une époque où les bidonvilles d'immigrés, l'absence de droits, la ghettoïsation, les violences racistes étaient parfaitement absentes des médias. Pas un sujet. La Marche pour l’égalité & contre le racisme, en 1983, ne semblait pas digne d'un intérêt national, sauf pour être récup par le PS.

Je viens d'une époque où le maire de Saint-Coulitz était célèbre seulement pour sa peau, qu'on commentait parce que cette peau était de couleur noire. D'ailleurs le mot "noir" gênait, on préférait le mot "black".

Je viens d'une époque où l'on demandait à ma mère, juive, si elle avaient encore les traces des CORNES sous les cheveux. Une époque où les Juifs étaient associés à deux figures, les gros radins aux doigts aussi crochus que leur nez, et les affamés en pyjama rayé.

Je viens aussi d'une époque où il n'y avait que quelques films d'Yves Boisset ou de Costa Gavras pour représenter les injustices structurelles. Quant aux films de Chantal Akerman, de Euzhan Palcy ou d'Agnès Varda, ils n'avaient qu'une visibilité confidentielle, c'était des films de femmes.

Je viens aussi d'une époque où d'illustres écrivains, de grands voyageurs, des photographes célèbres, des dandys hédonistes, des politiciens soixante-huitards ou cathos réactionnaires, vantaient le charme des enfants, à la télé, avec le sourire complice des présentateurs. Une époque où les saloperies des "nouveaux romanciers", narrés à longueur de bouquins, leur donnaient une plus-value artistique.

Une époque où les petites filles étaient appréciées quand elles ressemblaient "déjà" à des femmes. Une époque où les blagues des talk-shows tournaient autour du viol et de l'inceste. Une époque, d'ailleurs, où un disque qui vantait l'inceste et le viol explosa le box office français. Une époque où la parole des victimes d'agressions sexuelles était presque totalement silenciée, sauf quand elle était moquée comme hystérique et subjective.

Je viens d'une époque où les insultes racistes, sexistes ou validistes tenaient lieu de blagues. Et fallait s'y faire, fallait en rire, à moins de passer pour trop coincé, pas épanoui, mal baisée... ou traître. On disait vraiment ça : traître à ta race, à ton pays, à ton milieu social et à ton sexe.

Je viens de cette époque et je mesure le chemin parcouru.

Alors quand l'intimité se politise dans l'espace public ; quand on dénonce les violences systémiques et les dominations structurelles ; quand on parle de la possibilité de requestionner les œuvres artistiques problématiques ; quand les déboulonnages de statues et de plaques de rues deviennent un sujet ; quand des concepts comme le validisme, le spécisme ou l'écoféminisme percent dans le débat public ; quand des femmes, des personnes d'origine asiatique ou africaine, des personnes ouvertement homosexuelles ou des personnes autistes sont reconnus pour leurs œuvres ; quand on parvient à amener des existences de la marge vers le centre ; quand les dominants comment à trembler à tel point que pour conjurer leurs peurs, ils dévoient ou inventent des mots comme "wokisme", "indigénisme" ou "cancel culture"... je suis reconnaissant et plein d'espoir.

Je viens d'une époque que j'espère révolue.


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Après avoir écrit ce texte on m'a fait remarquer à juste titre qu’aujourd’hui, on entend beaucoup de discours et de candidats d'extrême-droite, et que les fachos prennent de la place. Et c'est vrai qu'il y a 40, 50 ans, il y avait davantage de cohésion, de solidarité, dans les quartiers et au boulot, davantage de lien dans les familles et dans les communautés, nous ne connaissions pas les addictions numériques et les nouvelles solitudes. Les inégalités sociales étaient aussi moins criantes et la pollution ne nous menaçait pas dramatiquement.

Voilà donc pourquoi j'ai parlé d'une époque révolue et d'un espoir pour l'avenir :

C'est vrai, il y a 40 ans (j'étais môme), l'extrême-droite faisait quelques %, le négationnisme était marginal, le racisme ne s'exprimait pas en public de façon directe. Le fait est que le public masculiniste, raciste ou sexiste n'avait pas besoin d'un Le Pen. Il n'avait pas besoin de tribunes spécifiques  et de candidats parce que la quasi-totalité des médias, de la production littéraire et l'ensemble du monde professionnel était à l'image de leur représentation du monde : masculiniste, raciste, sexiste, et tout cela perçu comme normal.

Pour le dire un peu sommairement : si aujourd'hui il y a Cnews d'une part et Arte d'autre part, dans les années 80 c'était TF1 sur toutes les chaînes.

Les communistes et les socialistes véhiculaient presque autant de préjugés racistes, sexistes et homophobes que les droitards. Les mouvements antiracistes organisés — ou récupérés — par les partis de gauche étaient paternalistes et ne menaçaient pas l'ordre colonial.
La vision du monde unanimement partagée était néocoloniale. Les immigrés allaient repartir bientôt chez eux, on croyait ça, et ça exonérait de penser l'immigration de même que le racisme systémique. Cette expression n'existait d'ailleurs pas. Le mot "Françafrique" n'existait pas non plus, pas plus que les mots intersectionnalité ou décolonialisme. Les concepts manquaient pour faire évoluer la façon de penser le monde.
Par ailleurs le féminisme était quasiment perçu comme un mouvement terminé, "c'est bon elles ont obtenu l'IVG et le droit de voter", et le terme même de féminisme était péjoratif. Quant aux Droits de l’enfant, ils n’existaient simplement pas. D'ailleurs on se foutait bien de faire produire nos objets par des mômes du sud, ce n'était pas un sujet. Nous ne connaissions pas encore les mots de masculinisme, de féminicides, de dominations structurelles, alors que ces mots auraient pu décrire une vaste réalité. Les dominants étaient partout célébrés, même à gauche avec Tapie : ils n'avaient pas vraiment besoin de candidats d'extrême-droite pour se donner des frissons.

Il a fallu que les dominants se sentent un peu remis en cause, légèrement décentrés, pour qu’ils décident d'adopter les thèses de la nouvelle droite : la revanche d'une suprématie blanche, masculine, traditionaliste et européenne. Si aujourd'hui les discours masculinistes, racistes, nationalistes se font entendre si puissamment, à travers des partis, des candides relais médiatiques, c'est parce que les dominants se sentent aujourd'hui ébranlés dans leur assurance, dans leurs privilèges, et qu'ils savent bien que leur monde, tel qu'ils l'ont conçu, va disparaître.

20 novembre 2021

C'est tendance : les titres de romans aux noms de chansons

Dans quelques jours, la journaliste Catherine Nay sort la suite de ses mémoires, sous le titre Tu le sais bien, le temps passe. "Tu le sais bien, le temps passe", ça vous dit rien cette petite phrase ? C'est comme une vieille connaissance déjà rencontrée dans une chanson de Julien Clerc : Ce n'est rien.

Les titres de romans aux noms de chansons (ou issus de paroles de chansons), c'est une tendance lourde. En 2011, Delphine de Vigan a publié Rien ne s'oppose à la nuit. La poésie et l'efficacité de ce titre, puisé dans la chanson Osez Josephine de Bashung, a donné le coup d'envoi d'une série de romans, bluettes ou thrillers de gare, aux noms issus de paroles de chansons.

Et puis en 2014, Virginie Carton a chroniqué la vie d'une femme dans La blancheur qu'on croyait éternelle, phrase entendue chez Souchon (Tiens, "chez Souchon" : essayez de prononcer ça). En 2015 Marie Vareille était l'auteure de Je peux très bien me passer de toi — référence à Pas assez de toi de la Mano Negra. En 2016, Virginie Grimaldi a écrit Le premier jour du reste de ma vie, qui est une chanson de Daho.

Osez Joséphine (clip)
Et puis une foule de références à Bashung a envahi les vitrines des librairies : en 2015, Madame Rêve, une œuvre de Pierre grillet ; en 2017, La nuit je mens, premier roman de Cathy Galliègue ; en 2019, J'ai dû rêver trop fort, de Michel Bussi — un auteur qui a exaucé tous les rêves de son éditeur. 

Cette année-là, Rachel Corenblit a carrément pondu Un peu plus près des étoiles, piochant sans vergogne dans la pire variétoche.

 

Soyons clairs : si vous trouvez le dispositif pas très original, voire carrément facile, n'oubliez pas qu'on parle de feel-good litterature. Ça n'a pas vocation à être inventif mais ça doit faire rêver, ça doit être sympa et familier... En bref : de quoi émouvoir en restant PO-SI-TIF !

A propos de Michel Bussi, ses titres constituent un festival de hits des années 80 : Mourir sur Seine ; Un avion sans elle ; Rien ne t'efface ; Le Temps est assassin ; Maman a tort ; On la trouvait plutôt jolie... De Mylène Farmer à Jean-Jacques Goldman, de Pierre Perret à CharlElie Couture, l'auteur a dû beaucoup écouter Radio nostalgie. Il s'est même aventuré sur les terres du rock indé en citant Thiéfaine et François Hadji-Lazaro !

Et puis à la rentrée 2021, juste avant les mémoires de Catherine Nay, Maryam Madjidi a fait paraître les siens, Pour que je m’aime encore.


Bien sûr l'idée n'est pas neuve, les bouquins font échos aux chansons depuis longtemps. En témoignent les romans Les lauriers sont coupés (Dujardin, 1888), Voyez comme on danse (d'Ormesson, 2001), La prochaine fois, le feu (Baldwin, 1963), S'il braille lâche-le (Himes, 1945), etc. Il y a même des obsessionnels pires que moi, qui ont fait des listes de bouquins aux titres de chansons.

Aujourd'hui, les auteurs populaires choisissent des titres, non pas issus des comptines traditionnelles ou des poèmes épiques, mais venus du Top 50 des boomers. Car les années 70 et 80 regorgent de ces hits que la bande FM nous martèle depuis quatre décennies — et dont l'évocation facilite la constitution d'un capital fidélité.

Tiens, je découvre que Tatiana de Rosnay, elle aussi, avait titré son roman Elle s'appelait Sarah. Le bouquin retrace un destin similaire à celui que raconte Goldman (encore lui !) dans sa chanson Comme toi. Il est paru en 2007. Une pionnière, Tatiana.

10 septembre 2021

Refusons le concept de "renaissance"

Qu'est-ce que ça veut dire, Renaissance ? A quoi ce mot renvoie-t-il, politiquement ? Voici un petit éclairage, car ce mot est régulièrement utilisé dans des discours de haine, nationalistes et racistes.

La Renaissance est d'abord cette époque de grand développement européen — artistique, philosophique et politique —, qui débuta avec les grandes conquêtes. Elle se fit grâce au commerce triangulaire et à l'expansion économique.

Alexandre gagne la bataille contre
Porus et ses éléphants, dans le Pendjab.
Manuscrit du XVe siècle
Cette époque, qui fut nommée Renaissance au cours du XIXe siècle — donc au moment où elle se terminait — fut marquée par un grand désir : le désir de perpétuer l'héritage de l'Antiquité grecque et surtout romaine ; le désir de faire renaître un empire comme celui d'Alexandre de Macédoine ; le désir de se revendiquer d'une grande civilisation triomphante. 

Dès le XVIe siècle, afin de faire rebâtir un empire, on procéda à des conquêtes, des génocides, des déportations, de l'esclavage, et on instaura des théories raciales pour justifier tout cela. Je ne ferai pas un cours d'histoire ici, ni ne donnerai de sources que vous pourrez trouver vous-mêmes. Mais la Renaissance, c'est aussi ça : un héritage artistique, intellectuel, mais aussi guerrier et sanguinaire, et lourd à assumer.

Ornements dans le temple hindou
Gangeshwar Mahadev dans le Gujarat (Inde)
Par la suite, les chantres des mouvements de "renaissance" ont toujours été motivés par une volonté de suprémacie. Depuis le XIXe et durant une bonne partie du XXè siècle, des idéologues d'extrême-droite tels que Edouard Drumont, Robert Brasillach, Charles Maurras ou Maurice Bardèche ont revendiqué une renaissance de la civilisation occidentale, théorisée dans leur littérature racialiste. Ils ont participé à propager les thèses des nazis, selon lesquelles la "race germanique" incarnait la renaissance de civilisations antiques perdues.

Renaissance est le terme poli pour parler de reconquête...

Après la guerre, l'extrême-droite française remettait le couvert, François Duprat et sa revue Défense de l'occident, Pierre Sidos et l'OAS, Jean-Marie Le Pen et ses nervis... Une galaxie de négationnistes, racistes, antisémites, tous partisans d'une renaissance européenne contre l'envahisseur mondialisé — qu'il soit "nègre", "raton", "rouge" ou "judaïsé".

Torchon national
Cette extrême-droite a préfiguré l'apparition de la "Nouvelle droite" actuelle. Un mouvement politique animé par Alain de Benoist, Patrick Buisson, François Bousquet, Eric Zemmour, Mathieu Bock-Côté, Renaud Camus et désormais Michel Onfray. Les animateurs de ce courant idéologique, plutôt que parler de reconquête raciale comme on disait auparavant, évoquent aujourd'hui une reconquête culturelle. Ça fait moins frémir les honnêtes gens ! Mais les objectifs sont les mêmes : l'affirmation de nations puissantes, homogènes, immiscibles, masculinistes et blanches, érigées et armées contre les influences extérieures, contre les peuples mondialisés, contre toutes les diasporas.

C'est ainsi qu'aujourd'hui en France, un cadre de l'extrême-droite titre son livre La Renaissance de l'Occident ; un mouvement cultuel se nomme Renaissance catholique ; un candidat à la présidentielle, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale, parle de "renaissance" dans son dernier torchon, appelant à une "reconquête" contre les influences étrangères.

Dans cette lignée des théories de renaissance, citons aussi les thèses suprématistes de Daniel François Malan ; dans les années 1950, ce chef du gouvernement sud-africain, appelant à une renaissance de l'esprit afrikaner, a permis d'instaurer le régime d'apartheid. On peut aussi parler de l'Inde actuelle, gouvernée par l'extrémiste Narendra Modi : il a instauré la Hindutva, une idéologie nationaliste hindoue, qui prône la renaissance de l'hindouisme politique et qui s'est organisée sur le modèle du fascisme mussolinien.

La renaissance comme programme politique, ça semble attrayant... mais soyons vigilants : ce mot n'est pas anodin, il promet surtout la division, la haine, la peur de l'autre et la violence. Renaissance ou reconquête nationale sont les mots de la guerre.


7 juin 2021

Contre le négationnisme sur la conquête de l'Algérie par la France

J'entends parfois parler des raisons philanthropiques de l'intervention de la France en Algérie : "mettre fin à la traite arabe", "apporter les Lumières de l'occident", etc. Ce discours flatte surtout une vision de la France comme phare de civilisation qui éclaire le monde, induit des mensonges et occulte la vérité sur la conquête de l'Algérie. Alors contre les discours chauvins et bidon, on rappelle les faits.

Affiche du Centenaire de l'Algérie française, 1930

On a maintes fois entendu que la traite négrière n'a été qu'une des diverses formes d'esclavage qui existent depuis des millénaires de par le monde, et que dans certaines régions, l'esclavage arabe existe encore. En effet, l'esclavage pratiqué par les Européens  s'inscrivait dans les pratiques plus anciennes... à ceci près qu'avec les Européens, pour la première fois, l'esclavage a été fondé sur une science. Une science bidon, inventée pour justifier la soumission d'autres peuples : la classification raciale.

15 mars 2021

(S) : une lettre et deux parenthèses qui changent tout

Un récent livre de Quentin Deluermoz est titré "COMMUNE(S). Comme l'explique cet historien, ce S entre parenthèses illustre à la fois la diversité des communes et leur unité. Une manière de rappeler que la Commune, c'est une série d'insurrections qui, en 1870 et 1871, ont embrasé Paris, Lyon, mais aussi la Martinique, la Kabylie...

Cette façon d'ajouter (S) exprime l'idée de multiplicité, la diversité, la volonté de déborder les cadres et les frontières. Une tentative de réunir plusieurs réalités. Dans une société qui découvre les bienfaits du métissage, on l’utilise pour exprimer la diversité et les cultures mélangées... 

Les éditeurs, les institutions et les associations ont souvent recours au (S) pour des titres de livres, des noms de festivals ou d'expositions : ils utilisent ce procédé pour les banlieues, pour la jeunesse, pour les quartiers populaires, pour les artistes, pour tout ce qui bouge et se mélange.



Mais au fait, pourquoi les parenthèses ? Dans un texte, affiche ou couverture de mag féminin, elles ont toujours un rôle très particulier : ce qui est placé à l'intérieur des parenthèses se voit davantage que ce qui est à l'extérieur, et réinterroge l'ensemble. Les parenthèses indiquent aussi qu'il y a un détail essentiel à ne surtout pas oublier : alors que la norme exige d'écrire le mot au singulier, les parenthèses jouent les agitatrices, en ajoutant des signifiants inattendus. 

En plus d'exprimer l'idée de diversité, le (S) a donc l'avantage d'attirer l’œil et d'interroger l'esprit. Ainsi cette revue des bibliothèques, référence dans la profession, qui a pour titre...

Ironie : le (S), signe censé apporter un peu de mystère et de trouble, est probablement devenu une norme pour les éditeurs et les programmateurs culturels. 

MAUPASSANTS(S)...  :D
 

En attendant, nous sommes le 15 mars 2021. Il y a 150 ans jour pour jour, les républicains votaient les statuts du Comité central de la Garde Nationale pour faire vivre la Commune de Paris !

Souvenir(s).

6 octobre 2020

Conspirationnisme. Un mythe toujours vivace : les Protocoles des sages de Sion

Vendredi j'ai parlé avec un gars qui affirmait que le Covid19 était inventé par l'Occident pour limiter la surpopulation. "C'est inventé, les médias nous manipulent, c'est comme le 11 septembre", il a ajouté. Et paf, une minute plus tard il parlait du sionisme. Sur le moment, je lui ai répondu que les informations qu'il préférait croire était peut-être celles qui le confortaient dans ses certitudes... D'ailleurs son pote a renchéri : "voilà, c'est comme les religions, tu y crois parce que c'est ce qu'on t'a toujours répété !" 
Après coup, j'ai eu envie de parler d'une rumeur célèbre, une de celles qui a été imaginée il y a longtemps mais qui nourrit encore des fantasmes : les Protocoles des sages de Sion.

Début septembre a été diffusée "les Protocoles des sages de Sion, le complot centenaire" sur France Culture (dans l'émission Mécaniques du complotisme) (1). On y retraçait l'histoire de ces protocoles : un texte soit-disant rédigé par des chefs juifs, qui exposait un plan de conquête du monde, mais qui n'est qu'un plagiat de choses diverses publiés au XIXe siècle.
 
Les Protocoles sont rédigés dans la Russie pré-révolutionnaire du tsar Nicolas II : le texte est un rapport fait à la demande du tsar ; il est conçu en sa faveur puisqu'il pourrait lui permettre de détourner la colère du peuple vers un bouc-émissaire bien pratique : les Juifs. Même si le Tsar découvre assez vite que c'est un faux, le texte fait long feu. La version la plus célèbre, diffusée en 1905, concentre tous les fantasmes liés aux Juifs : fourberie, trahison, quête du pouvoir mondial. Les Juifs auraient pour but d'installer un "roi des Juifs" à la tête du monde !

Les Protocoles font écho à des textes antijuifs antérieurs, et prennent modèle sur celui de Maurice Joly un avocat français qui, dans un pamphlet de 1864, affirmait que Napoléon III manipulait l'économie, la presse, l'opinion publique, les syndicats et le peuple pour accéder au pouvoir total. (2)

Cette quête de pouvoir mondial décrite dans les Protocoles trouve un écho auprès de tous ceux qui se méfient des Juifs : les nationalistes haïssent les Juifs apatrides, les tsaristes en veulent aux Juifs révolutionnaires,
les capitalistes haïssent les Juifs porteurs du marxisme, tandis que les Communistes associent les Juifs au capitalisme.

Les Protocoles ressurgissent dans les années 1920. L'industriel suprémaciste états-unien Henry Ford en faisait la preuve d'un complot juif mondial, affirmant même que les Juifs avaient inventé la traite négrière thèse reprise par Louis Farrakhan, chef de Nation of Islam.
Toujours dans les années 20, dans l'Allemagne éprouvée par la guerre et la crise, un autre polémiste, Adolph Hitler, reprend les éléments du texte. Jusqu'en 1939, les Protocoles sont donc relayés par la propagande du 3è Reich, et les fantasmes antisémites structurent l'idéologie nazie.

Années 1950 :
Johann von Leers, criminel nazi réfugié en Argentine, fut ensuite accueilli en Egypte par le grand mufti de Jerusalem, ex soutien d'Hitler (en mode "les ennemis de mes ennemis sont mes amis"). Découvrant une nouvelle forme de nationalisme au moment où les Frères musulmans se présentent comme une alternative à l'occident colonial, il se convertira à l'Islam et se renommera Omar Amin. D'autres nazis trouvent soutien auprès des chefs nationalistes arabes ; l'époque est propice à une réédition des Protocoles.
Après la guerre des 6 jours, les Protocoles eurent un nouvel écho, sous forme de millions d'exemplaires. La préface de l'édition arabe de 1967 affirme "les fils de Sion ont donné la preuve matérielle qu'ils n'ont jamais oublié les protocoles" ! En effet, la révélation d'un complot juif mondial, appuyé par les puissances occultes, permet d'expliquer la supériorité d'Israël et de minorer la défaite des pays arabes. Le mensonge est élevé en outil politique : tout est fait comme si le texte est un vrai...

4 octobre 2020

The act of killing - documentaire, 2012. Comment vivent les bourreaux et les tortionnaires ?

Ça y est, j'ai enfin vu cet incroyable documentaire, The act of killing : un choc. Tellement fort que durant le visionnage je me repassais des scènes, pour bien comprendre ce qu'il se jouait là. Je vais en parler ici, d'abord parce que ça me fait du bien, et puis parce que, juste avec des entretiens, le film rend évidents les liens qui unissent le capitalisme sauvage, la quête de pouvoir et le goût de la destruction.

Indonésie, 1965. Pour s'opposer au communisme, la junte militaire, soutenue par le régime en place, et certaines puissance occidentales, prend le pouvoir. Suivent les persécutions le massacre des personnes considérées comme "communistes" par la propagande. En quelques mois, entre 400.000 et 2 millions de personnes sont exterminées (le mot est revendiqué par les tueurs). Un des plus grands crimes de l'humanité du XXè siècle, presque oublié. Le régime militaire est encore en place, et aujourd'hui le nombre actuel de leurs victimes est estimé entre 1,5 et 2,5 millions.

Années 2000. le documentariste Joshua Oppenheimer souhaite recueillir la parole des descendants des victimes, mais il se heurte au silence. A la place, ce sont les anciens tortionnaires qui vont se se confier, avec d'autant plus de franchise qu'ils se savent protégés. Ils proposent même, devant la caméra, de reconstituer les tueries. Séquences glaçantes où la violence apparaît ici motivée par la quête de fric et justifiée par la propagande d’État.

Les captures de films ci-dessous mettent en évidence les mécanismes de la propagande et de l'extermination. Toutes les personnes interrogées sont des cadres militaires ou des hauts dirigeants politiques.

Les films de propagande servent à fabriquer la vérité.
Un ancien tueurs regarde un vieux film (où les méchants communistes tuent à coups de faucilles !). Avant d'être un tueur il était projectionniste, il montrait ce film aux enfants pour conditionner leur haine des communistes.
 
Dans un système génocidaire, le rôle de la presse est de faire passer les accusés aux aveux, avant de les livrer aux milices chargées de les faire disparaître. La presse aux ordres du pouvoir a toujours servi la violence d’État. D'où l'enjeu d'une presse libre, contre les tentations autoritaires !

La fonction du vocabulaire est de modifier le sens de mots.  Ici on justifie la terreur en invoquant la "Liberté". A cette fin, les gangsters sont désormais redéfinis comme des "Hommes libre" (qu'il suffit de contrôler pour arriver à ses fins politiques). 

Les ultralibéraux vantent la liberté d'agir et d'entreprendre. Pour eux, c'est au nom de la liberté qu'on peut écraser les plus faibles. Quand le vice-président de l'Indonésie définit les gangsters comme des hommes libres, "qui travaillent hors du système", c'est pour justifier leur violence. Pour lui, "s'ils travaillaient pour le gouvernement il n'y aurait qu'une nation de bureaucrates". Par conséquent il préfère "des hommes du secteur privé, prêts à prendre des risques dans les affaires". On retrouve tous les éléments de langage ultralibéral, de Ronald Reagan au Medef. Le discours est limpide : une attaque contre le fonctionnariat qui bride les mercenaires, et un soutien à des milices qui ont la "liberté" de se mettre au service du pouvoir. 

26 février 2020

24 h dans Valeurs Actuelles, la presse qui pue la haine

24 heures dans les colonnes de Valeurs Actuelles :

Résumé :
- dénonciations de la présence d'étrangers et de tous les aspects de ce fléau qu'est l'immigration.
- accusations de l'Islam sous toutes ses formes : les activités des librairie islamiques, l'impossible assimilation des musulmans (avec des photos de femmes photographiées en Macédonie, mais on s'en fout), les journalistes d'origine musulmane qui sont des menteurs, etc.
- mise en cause des anti-racistes — qui mentent, forcément, quand ils s'opposent à ces braves racistes.
- mise en cause des végans, qui menacent notre paysannerie, nos filières de la viande, et disons-le : nos terroirs !
- raillerie d'une figure du PS, qui a fait l'erreur d'avoir de l'assurance alors que, ha ha ha ! c'est une gauchiss, et c'est une femme ;
- mensonges prêtés aux debunkers, qui décryptent et dénoncent les discours d'extrême-droite ;
- tribunes offerte aux cadres des médias d'extrême-droite (Présent, Elements, TV libertés) qui viennent se plaindre de ces méchants debunkers ;
- pour clore le Grand Chelem de la dégueulasserie, un dossier sur Soros, qui coche toutes les cases de la presse antisémite des années 30 : l'opacité de son gouvernement supranational ; les infos "proprement terrifiantes" révélées par un brave élu RN ; les horreurs dont le milliardaire s'est rendu coupable (défense des libertés fondamentales, mise en cause des régimes totalitaires, "destruction des fondamentaux de nos nations"... ; son "influence" faite "de complots et de manipulations" ; ses positions qui cautionnent le féministe et le lobby LGBT, danger pour notre pouvoir de mâles blancs chauvins. Avec en prime les avertissements de Tatie Le Pen. Cerise sur le pompon, un titre qui associe le juif Soros et le mot "protocole". De l'audace, quoi, de l'audace !

La ligne éditoriale de Valeurs Actuelle est très claire : elle est dégueulasse. Mensongère, raciste, sexiste, antisémite et climatosceptique, chauvine, rétrograde et suintant le mépris de classe.

Défendons le journalisme militant, qui délivre la connaissance et défend la vérité. Défendons ce journalisme rare, non soumis à des intérêts économiques, communautaires ou préfectoraux.
A l'inverse, cette presse aux mains de petits voyous friqués, qui attise la haine à coups de mensonges, d'insultes, d'amalgames clientélistes et de caricatures nazies (idéologie dont VA reprend les éléments), elle est toxique et elle se combat.

24 février 2020

Libre arbitre et publicité : généalogie d’un double discours (RAP-Asso)

Comment le marketing publicitaire intègre les outils de la psychanalyse, de la sociologie, des neurosciences, les études de marché, pour accroître son "taux de pénétration" *
Quelle est la place de notre libre-arbitre, là-dedans ?

Voici un article édifiant paru il y a quelques jours sur le site du RAP, Résistance à l'Agression Publicitaire : Libre arbitre et publicité : généalogie d’un double discours.

On verra aussi que la publicité cible les consommateurs en les sectorisant selon le genre, l'âge ou la catégorie sociale. Le marketing ne fait qu'accroître le divergences de modes de consommation, éloignant ainsi les catégories de populations les unes des autres.

* Le taux de pénétration du marché est, en marketing, un taux mesurant la couverture du marché par un produit ou service donné (wikipedia). En pratique, le taux de pénétration désigne le pourcentage de consommateurs touchés par une campagne publicitaire, ou ayant acheté un produit durant une période donnée, parmi la population ciblée. Le terme choisi est celui d'une intrusion parce qu'il s'agit bien de s'introduire dans le psychisme des gens, dans ce qui les pousse à agir et à acheter. La pénétration est d'autant plus élevée que la campagne de pub influe sur nos désirs et brouille les mécanismes de notre libre-arbitre.