27 décembre 2019

De quoi la coupe afro (dans la pub) est-elle le signe ? 2è partie

A l'été 2018 je publiais ici mon enquête sur l'usage, quasi-systématique dans la publicité, de la coupe afro pour apporter une "touche multiculturelle" chez les modèles féminins :
J'y écrivais que depuis des années, l'afro est devenue une norme de représentation des noirs, des femmes noires en particulier, dans la sphère marchande. Une norme qui révèle des stéréotypes hérités du colonialisme, et dictés par la quête du profit et le souci d'améliorer l'image de marque des entreprises. 
Qu'en est-il en cette fin d'année 2019 ?

Les coupes afro s'étaient imposées dans le monde occidental des années 60, dans un contexte de racisme structurel violent : il s'agissait d'affirmer les origines africaines des Noirs, et la rupture avec les conventions imposées par le monde blanc. Alors que ce choix capillaire était un signe politique avant tout, comme l'explique Lisa Akinyi May, il s'est aujourd’hui généralisé, dans les médias et dans la pub, pour représenter le glamour et le cool. Quand dans les Inrocks, la philosophe Yala Kisukidi s'entretient en avril 2019 avec Assa Traoré, figure de la lutte pour la justice sociale, elle affirme : « Dans l'industrie du divertissement, on met toujours en avant une "coolitude" afro qui vend et qui reprend toujours les mêmes clichés : le noir n'est qu'un corps. Et un corps érotisable. Comment être noir sans être piégé par ce corps et toutes les représentations qui le diminuent... ». J'ai voulu montrer cela, montrer que si les noirs sont désormais plus visibles, notamment dans la musique et le sport comme le montrent les études de l’ARPP, la visibilité des femmes noires reste conditionnée à l'afro. Cette stratégie iconographique permet aux pubards de véhiculer l'image de la révolte ET du consumérisme glamour - une incarnation doublement attrayante.

Il suffit d'ouvrir les yeux pour s'en rendre compte : presque systématiquement, l'afro désigne les « personnes perçues comme non blanches » (comme elles sont appelées dans le baromètre annuel du CSA sur la diversité à la télé).

1 septembre 2019

"Projet de reconquête urbaine", une opération parisienne de gentrification

Depuis quelques jours, dans sa com' interne, la mairie de Paris informe sur ses projets — désormais bien avancés — d'adapter la "promenade urbaine Barbès - La Chapelle" à des populations plus riches, plus libérales, et d'y attirer les investisseurs.

Depuis son annexion à Paris, le quartier bordé par les stations Barbès-Rochechouart / Marx Dormoy / Riquet / Jaurès, traversé par deux grands complexes de voies ferrées, est un ensemble populaire qui a longtemps abrité des bidonvilles ; depuis un demi-siècle, c'est aussi un lieu d'accueil et d'intégration pour beaucoup d'immigrés. Ce grand ensemble urbain est globalement délaissé par les pouvoirs publics. Seuls quelques établissements culturels et associations prennent place dans la vie de ce qui faisait auparavant partie de "la zone". De nombreux immeubles sont insalubres, le nettoiement est insuffisant. La population s'approprie assez librement l'espace public, les économies communautaires vont bon train, parfois en-dehors du contrôle public, les habitants par communautés et par affinités ; de fait, les institutions peinent à y trouver un électorat fidèle, à y contrôler l'activité et à en tirer les bénéfices.

D'où l'intérêt, à quelques mois des municipales, de mettre un grand coup de pshitt. C'est l'opération de rénovation du quartier Barbès-La Chapelle. On en a déjà vu les prémices : 
- Des obstacles sont posés au sol pour empêcher les sans-abris de trouver refuge sous les voies ferrées. Les bancs et les espaces pour s'allonger sont supprimés.
- On organise régulièrement des expulsions de migrants qui y campent, on emploie la force policière, on provoque l'éclatement des communautés d'entraide.
- On ferme le square Jessaint où se regroupaient les jeunes étrangers, pour y accueillir les acteurs publics de la charité (mal) subventionnée.
- Lorsqu'un meurtre à l'arme blanche est survenu comme en mai dernier, on laisse la pluie, 4 jours plus tard, laver le sang sur le trottoir.
- de Barbès à Jaurès en passant par la Chapelle, la police n'a qu'un rôle répressif. Les sans-abri sont repoussés, cachés, et les consommateurs de stupéfiants sont abandonnées à leur addiction, à la violence et parfois à la mort.
- même si des projets municipaux portent des intentions sociales, un large pan de la prévention a été délaissé ces dernières années : de nombreuses associations engagées dans l'inclusion, l'aide aux plus fragiles, le soutien scolaire ou juridique, etc., ont vu fondre leurs moyens financiers, humains et logistiques. La ville organise la reprise en main des activités d'entraide pour mieux les contrôler.

La gentrification, comme Amélie Bertholet l'expliquait simplement dans sa vidéo, est une opération qui consiste à attirer les investisseurs, à créer de la richesse pour les riches — et à repousser les plus pauvres dans les banlieues. 

La com' interne (par la voix de l'architecte-urbaniste en charge de la maîtrise d’œuvre du projet) adopte le vocabulaire de la guerre : Il s'agit d'un "projet de reconquête urbaine. "Le but est de changer profondément l’image d’un espace public en vue de sa pleine réappropriation". Réappropriation ? Le mot suppose que l'espace n'appartient plus aux pouvoirs publics et qu'il faut le regagner. D'où l'expression de "reconquête urbaine", utilisée par la com' municipale comme s'il ne s'agissait que de répandre le bonheur sur la ville. La réappropriation, ça rappelle les "territoires perdus de la république", un concept créé par le défaitisme social et le contrôle policier. Tout comme l'idée de "changer l'image de l'espace public", un effort qui ne s'effectue qu'en changeant aussi les modes de vie, les liens humains, donc les gens. (Qui, parmi vous, accepterait qu'une institution s'engage à "changer l’image de votre espace public en vue de sa réappropriation" ?) Mais les jardiniers le savent, pour préparer un terrain, il faut d'abord désherber. L'action associe donc l'accroissement du contrôle social aux grands travaux de voirie (pour créer un espace "apaisé" selon le mot à la mode.)
Ces photos avant / après illustrent l'idée : cette silhouette inquiétante et encapuchonnée, qui marche, sera remplacé par cette classe moyenne blanche qui consomme, et qui s'assoit.

En matière de contrôle, "la Direction de la Prévention et de la Sécurité va s’installer sur deux lieux pour renforcer la présence de ses agents (...), notamment autour des espaces d’usage". Par ailleurs, des squares qui accueillaient les jeunes étrangers ont été fermés, dans le but d'y installer les acteurs publics de la charité.
En matière d'urbanisme, on prévoit des installations attractives pour qui a les moyens de conquérir l'endroit : la "requalification de l’espace public, l’installation d’usages et les éclairages", avec des "nouveaux tronçons de pistes cyclables", des "espaces piétons" et la "réduction de l'impact routier", des "kiosques d’économie circulaire et solidaire", des "testeurs de commerce", une "oasis urbaine", des "bancs et tables autour d’un certain nombre de traiteurs pour permettre de consommer sur place"... vous avez compris : on vend le charme de la campagne à Paris tout en répondant à des exigences immobilières et commerciales. 

Mickaël Correia développe, dans son formidable article L’envers des friches culturelles, comment les municipalités s'approprient des lieux populaires pour engager une revalorisation financière.
On peut lire aussi Anne Clerval, Paris sans le peuple, La gentrification de la capitale. Clerval y décrit un "processus de conquête sociale qui prend la forme d’un front pionnier".

La gentrification ne tend pas à faire disparaître la pauvreté mais à la déplacer. Elle n'est qu'une stratégie de la guerre sociale par la classe dominante.


2 juin 2019

ELLE : peut-on être féministe en diffusant des diktats sexistes ?


La couverture du dernier numéro de Elle ne déroge pas à la règle de l'hebdo féminin : une jeune et mince top-model qui incarne l'idéal féminin du moment. Comme chaque année à cette période, ELLE annonce la taille, le bronzage et la sublimitude que chaque femme doit atteindre cet été.

Malgré un discours d'affichage féministe, ELLE relaie toutes les représentations féminines dictées par le patriarcat. Le contenu du n'importe quel numéro est à cette image : on y trouve la mode, les cosmétiques, les accessoires et les boutiques à adopter, puisque l'essentiel d'une vie de femme, comme on sait, c'est de rester belle, jeune et mince à tout jamais, de suivre la bonne tendance et d'éviter la ringardise. L'essentiel c'est de connaître les bons plans, les bonnes terrasses, les traiteurs sans gluten, les stylistes qui utilisent des matières biologiques, les it-tenues qui feront de vous une it-girl, les club de body-training qui vous aideront à garder une apparence sporty, les bonne pratiques du wellness, la zen attitude, les coach en bien-être* qui vous aideront à rester compétitives sur le marché de l'emploi et sur celui de la bonne meuf**.

Bien sûr les mentalités évoluent, bien sûr il y a #MeToo, bien sûr il y a des femmes journalistes, stylistes, politiciennes ou influenceuses. Pourtant, ELLE perpétue une image de "La femme" telle qu'elle a été fantasmée par le patriarcat dans le cinéma, la presse et la pub, une image conçue par et pour les hommes.

Mais alors, comment l'hebdo ELLE parvient encore à afficher une posture féministe ?

>> En affirmant d'abord que les sociétés où le patriarcat oppresse les femmes, c'est pas notre monde. Ainsi les numéros sont jalonnés d'articles sur la condition des filles déscolarisées en Iran, les femmes répudiées en Inde ou les prostituées zaïroises. En occident, y a rien à voir.

>> En valorisant les femmes qui ont des caractères traditionnellement attribués aux hommes : celles qui dominent, qui sont cheffes d'entreprises, qui ont des responsabilités. Comme si les vraies femmes, c'étaient celles qu'ont des couilles — et pendant ce temps, on continue à dévaloriser les hommes qui se conduisent "comme les femmes".

>> En passant un vernis de "bien-être" sur les injonctions à rester belle, jeune, mince et ferme. Être canon, ce n'est que pour pouvoir se plaire à soi-même. Se coller 1 kilo de cosmétique, c'est juste se sentir bien et fraîche. Mieux connaître les bonnes pratiques sexuelles, c'est être plus épanouie.

>> En limitant le sujet des violences faites aux femmes à des cas isolés. Bien sûr on en parle, il est impossible de passer à côté de ces agressions : il faut les condamner, juger les agresseurs, former les pouvoirs publics, dégager des subventions pour la bonne cause. Mais réduire les violences faites aux femmes à un phénomène lié à la pauvreté, l'alcoolisme ou à des pathologies mentales, ça permet de ne pas parler de concepts qui fâchent comme : patriarcat ; domination masculine ; diktats liés aux genres ; culture du viol. Cela permet de ne pas parler d'une tradition sexiste en grande partie liée aux institutions religieuses, dont la Manif pour tous ou les féminicides par des incels***, les agressions de anti-LGBT, les diatribes anti-femmes de Zemmour, de Boutin ou d'imams salafistes, sont des avatars.



>> En faisant quelques articles à sensation sur les femmes qui luttent contre les diktats en mettant en scène leurs corps et leurs choix de genres, comme ici, et là aussi. Ou en citant une égérie archi glamour du cinéma qui dénonce les diktats de la beauté : pas crédible.
Une caution progressiste qui contredit le message sexiste instillé dans la moitié des pages... un truc à devenir schizophrène.




* Happycratie, Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle, par Eva Illouz & Edgar Cabanas (Premier Parallèle, 2018). http://www.premierparallele.fr/livre/happycratie 
** "le grand marché à la bonne meuf" : expression empruntée à Virginie Despentes dans son livre King Kong Theorie (Grasset, 2006). Ironie : ELLE.fr parle de ce bouquin comme de l'un des 10 livres féministes à lire
*** qui sont les incels ? demande Elle.fr

15 mai 2019

la "labellocratie", business de la norme.

Suite à l'article de 2017 "un marché lucratif et un mode d'uniformisation : les labels qualité", voici une remise en cause le marché qui s'articule autour des labels attribués aux entreprises et aux collectivités. D'une part les certifications de la qualité, de l'égalité professionnelle, de l'excellence, du caractère durable, solidaire ou inclusif, ne reflètent pas forcément les réalités des candidats. D'autre part, pour certaines collectivités, le processus de labellisation peut être un frein plutôt qu'un progrès. C'est ce marché, qui modifie l'activité de quasiment tous les secteurs professionnels, qu'on appelle ici la labellocratie.

Avant d'attribuer les labels, il faut identifier ceux qui donnent des certifications : les organismes de normalisation et les sociétés d'audits doivent eux-mêmes être certifiés auprès d'instituts supérieurs. Par exemple, c'est l'Institut national de l'origine et de la qualité, qui donne l'agrément à des organismes qui pourront à leur tour attribuer le label AB / Agriculture Biologique *. Ensuite, la procédure est longue : élaboration de dossiers, analyse de ceux-ci par les auditeurs, diagnostics, plan d'actions correctif, formations pour les équipes, et bien entendu, réunions et visites. Cette procédure freine le fonctionnement des services, puisque les salariés mobilisés sont tenus éloignés de leurs missions. Elle implique aussi une dépense au détriment d'autres postes budgétaires. Au final, il arrive que les personnels soient démotivées, alors qu'ils exercent au mieux leurs missions sans avoir besoin d'être labellisés. La reconnaissance du travail ne passe pas par un label mais par du salaire, du temps pour mieux bosser, moins de pression et davantage de moyens
Voir les moyens de fonctionnement dilapidés dans des telles procédures génère frustration et colère. Pour améliorer les pratiques — sociales, organisationnelles ou environnementales —, pas besoin d'un label : il suffit d'une volonté réelle, et avant tout que les responsables soient exemplaire.

On reconnaîtra que que les labels permettent parfois de questionner les méthodes de travail ; ils peuvent même déboucher sur des améliorations : prévention de la souffrance au travail et des inégalités, tri sélectif, production locale, bien-être animal, etc., et quand ça arrive on est bien contents. Mais les objectifs d'une certification sont ailleurs : il s'agit d'une part de donner des gages de crédibilité et de sérieux aux usagers, d'instaurer ce qu'on appelle la confiance institutionnelle. Et d'autre part, il s'agit d'attirer les investisseurs et de "mendier" des financements auprès de l'U.E. ou des pouvoirs publics. Dans tous les cas il est question de soigner une 'image de marque'.  

Quand les labels ne reflètent pas la réalité

Parmi les organismes certifiants, on compte en premier lieu l'AFNOR, agence française qui crée des normes et attribue des labels :
- "Le Label Diversité est un signe distinctif qui atteste de vos bonnes pratiques et de votre exemplarité. Créé et soutenu par les Pouvoirs Publics depuis 2008, le Label Diversité est un véritable outil de management."
- "Les écolabels garantissent un niveau d’exigence élevé en termes de limitation des impacts des produits et services sur l’environnement et la santé, tout en maintenant leur niveau de performance".
- "Vous souhaitez vous assurer que vous offrez une expérience client irréprochable ? Le label Excellence de service est fait pour vous ! (...) ce label valorise les entreprises qui mettent tout en œuvre pour que l’enchantement client soit au rendez-vous.
On retrouve tous les éléments de langage de la la novlangue néolibérale, celui de la start-up nation et de la croissance souriante : signe distinctif, performance, outil de management, valorisation des entreprisesgarantie d'un niveau d'exigence, enchantement client. C'est pas franchement comme si on parlait de lutter contre les inégalités, d'effort pour changer les pratiques, ou de services rendus aux usagers... D'ailleurs dans les faits, les critères pour obtenir un label, pour une collectivité ou une entreprise n'ont que peu de rapport avec la réalité du terrain. 



Ainsi par exemple : le double label diversité / égalité professionnelle, que vise la mairie de Paris, n'empêche pas que la majorité des postes de cadres supérieurs d'administrations sont occupés par des hommes blancs, issus de milieux sociaux favorisés et de grandes écoles ; que les métiers très féminisés (animateurs-trices, Atsem, bibliothécaires) sont moins bien rémunérés que les autres (salaire médian, à temps plein, inférieur de 8,4% de celui des hommes ; que les femmes, surtout quand elles sont peu qualifiées travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes (elles sont 7 fois plus nombreuses qu'eux dans ce cas) ; et qu'elles cumulent 42% de plus de maladies professionnelles que les hommes ! 
Question : mais alors que reflète un label censé témoigner de l'égalité hommes/femmes ?
Réponse : la volonté de l'équipe municipale d'afficher sa bonne volonté. A cet effet une exposition a été montée en mai 2019 dans les administrations parisiennes pour illustrer "la priorité de la ville" :
"Égalité professionnelle : une expo pour faire le point. Depuis 2001, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est une des priorités de la politique RH de la municipalité. Aujourd’hui, où en sommes-nous ? C’est à cette question que s’attache à répondre une exposition [...] présentée dans plusieurs sites administratifs de la Ville."
On comprendra que l'expo, si elle a le mérite de questionner le public et de faire "découvrir les outils disponibles pour lutter contre toutes les formes de discrimination", a l'avantage d'occulter la réalité pas franchement glorieuse que je viens de décrire. On appelle ça une opération de propagande.

Toujours à Paris, un label QualiParis est attribué aux services, des entreprises peuvent obtenir un trophée des Acteurs du Paris durable ou un label Fabriqué à Paris, et certaines familles peuvent même devenir des Familles à énergie positive
Ailleurs en Île-De-France, le label Territoire French Impact est décerné par le gouvernement à certains territoires qui sont "acteur de l'Economie Sociale et Solidaire" : on identifie ainsi les "bons élèves" pour leur apporter un accompagnement technique et financier, comme par exemple un accès aux fonds dédiés à la Caisse des dépôts et à la banque publique d'investissement (source Est-Ensemble le mag' N° 38, 2019).

Dans un autre domaine, on trouve Novethic.
Fonds labellisés par Novethic en 2015 en Europe. Novethic / DR
"Filiale de la Caisse des dépôts, Novethic attribue des labels à des «fonds d’investissement responsables» qui seraient des «gages de qualité reconnus dans toute l’Europe», peut-on lire dans la revue Lutte de classe N° 190 de mars 2018. Avec le label Best in class de Novethic, l’investisseur soucieux de l’avenir de la planète est paraît-il assuré de choisir «les entreprises d’un secteur d’activité donné ayant les meilleures pratiques de développement durable». En clair, si le fonds n’exclut aucun secteur, y compris les plus polluants, il certifie qu’il a choisi les entreprises de ces secteurs «qui traitent le mieux leurs salariés et polluent le moins». Derrière ces formules vagues, aucun critère très précis à respecter. Au mieux quelques recommandations tout aussi floues, telles qu’«assurer un accès à la formation» de ses salariés, voire ridicules comme «la promotion du tri sélectif dans les bureaux»… Ainsi, une entreprise polluante incitant ses salariés à apporter leur propre tasse à café au bureau pour éliminer les gobelets plastiques jetables peut figurer parmi les entreprises présentées comme polluant le moins !"

Sur le site du groupe Engie on lit : "Le label Excellence for Customers est un modèle d’excellence opérationnelle et relationnelle qui garantit le sens du service pour des prestations de qualité des équipes ENGIE Cofely Facilities Solutions. Il atteste de la valeur de la promesse client et l’engagement de nos équipes dans la réalisation de prestation de service de qualité."
Ici, c'est ENGIE qui labellise ses propres équipes ; le groupe ne connaît sans doute pas les concepts de neutralité et d'indépendance.

Dans sa thèse "Une production engagée: sociologie des labels, chartes et systèmes participatifs de l'économie" (CNAM 2013), Diane Rodet nuance la signification de l'utilité sociale dans les processus de labellisation : "Dans le domaine de l’économie «sociale et solidaire», la perspective d’un «label d’utilité sociale» a donné lieu à de nombreux travaux. Tout d’abord mobilisée en France pour désigner l’apport des organisations de l’économie sociale et solidaire, et justifier ainsi leur traitement particulier en termes de fiscalité ou de subventions publiques, la notion d’utilité sociale a ensuite donné lieu à des interprétations plurielles". Diane Rodet explique ensuite que l'utilité sociale recouvre des notions différentes selon les approches adoptées. On comprend qu'il règne un certain flou sur l'attribution de labels au nom de l'utilité sociale.

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Pour l'Etat ou les collectivités, les labels, comme les prix et les trophées, sont un mode de contrôle de l'activité économique. En exigeant que les structures se fassent auditer pour être labellisées, en désignant les "bonnes" structures pour les soutenir financièrement, on exclut les autres, celles qui ont des pratiques exemplaires mais qui, soit parce qu'elles n'entrent pas en résonance avec les politiques publiques, soit parce que leurs modes d'organisation ne correspondent pas suffisamment aux normes, soit parce qu'elles s'en foutent, passent à travers les mailles. 
Un producteur de légumes, non certifié mais dont les méthodes agricoles sont plus écolo que des marques au label BIO. Une association de réinsertion de jeunes sans-abris qui, occupée à mener un travail indispensable, ne fait pas de démarches pour obtenir le label Territoire French Impact. Un club de sport, un service de santé, une association contre la discriminations, un conseil de quartier... qui portent un discours féministe, antiraciste, antispéciste, contre les formes de dominations traditionnelles et qui n'ont pas l'aval du département, de la région, de la ville pour obtenir le label culture inclusive. Un centre commercial qui refuse la présence des flics et la vidéosurveillance. Une structure non hiérarchisée, sans salariat et qui pratique l'autogestion. Un commerce local sans contrôle de l'Etat. Un service public qui résiste et qui refuse tout partenariat avec le monde de l'entreprise.
Des structures qui embarrassent les pouvoirs, qui pratiquent l'autogestion, des zones à défendre, des zones autonomes temporaires, des zones incontrôlables, qui n'obtiendront jamais aucun label égalité professionnelle ou innovation durable.

Les labels sont des hochets. On peut très bien s'en passer, mais pour ça il faut abandonner la logique de la carotte et du bâton.


*  Dans certains cas l'opacité règne : selon quels critères juge-t-on compétente la société d'expertise qui attribue le label d'excellence de l'épargne ?

30 avril 2019

les films dont le titre est celui d'une chanson (liste)

Ces temps-ci je suis en mode petit joueur, avec une tendance à faire des listes.
Justement, ces jours-ci sortent plusieurs films dont les titres sont aussi des titres de chansons célèbres. Just a gigolo, Mais vous êtes fou, ou Venise n'est pas en Italie...
Pour suivre cette tradition, voici une liste de films dont les titres sont ceux de chansons :

Tom est tout seul, film de Fabien Onteniente et chanson de Diabologum.
J'me sens pas belle, film de Bernard Jeanjean et chanson des Rita Mitsouko.
Je me suis fait tout petit, film de Cecilia Rouaud et chanson de Brassens.
Les oiseaux de passage, film de  Ciro Guerra et Cristina Gallego, et chanson de Brassens.
Laisse tes mains sur mes hanches, film de Chantal Lauby et chanson de Salvatore Adamo.
Soul Kitchen, de Fatih Akın : c'est aussi une chanson des Doors.
Un poison violent, film de Katell Quillévéré et chanson de Serge Gainsbourg. La suite de la chanson, C'est ça l'amour, film de Claire Burger qui vient de sortir, est aussi la suite des paroles de la même chanson de Gainsbourg.
Une nuit qu'il était à se morfondre, court-métrage de Cyril Paris et paroles de Gainsbourg (la chanson Initials B.B. commence par "Une nuit que j'étais à me morfondre"...).La nuit je mens, court-métrage d'Aurélia Morali et chanson de Bashung.
Mais vous êtes fou, film d'Audrey Diwan et chanson de Benny B.
Just a gigolo, film d'Olivier Barroux et chanson de Bing Cosby (sur une musique de Leonello Casucci).
Venise n'est pas en Italie, film de Ivan Calbérac et chanson de Serge Reggiani (paroles de Christian Piget).
Ma mère est folle, film de Diane Kurys et chanson de William Sheller (je triche, la chanson est Maman est folle)
Un homme pressé, film de Hervé Mimran et chanson de Noir désir.
Mes amis, mes amours, mes emmerdes, série télé créée par JM Auclair, et paroles de la chanson d'Aznavour Mes emmerdes.
I Feel Good, de Kervern et Délépine, chanson de James Brown (et d'autres, sûrement)

En trouverez-vous d'autres ?

(Bien sûr, parce que ce serait trop facile, on ne cite pas les films tels que Debout, Je t'aime ou l'Enfant, etc.)


Les groupes de musique dont le nom est une chanson (liste)

Ces temps-ci je suis en mode petit joueur, avec une tendance à faire des listes.
Aujourd'hui voici une liste de groupes de musiques dont le nom est le titre d'une chanson ou d'un album (d'un autre artiste).
Myra Lee, groupe de rock hardcore, est d'abord un des premiers albums de Cat Power.
Hey hey my my, c'est d'abord un titre de N. Young.
Sisters of mercy, groupe rock indé des années 80, est aussi une ancienne chanson de Leonard Cohen. D'ailleurs leur première compile de chansons, some girls wander by mistake, est aussi une chanson de Cohen. Ils apprécient sans doute le bonhomme.
Eifel, groupe rock parisien, fut d'abord une chanson des Pixies.
Surfer Rosa, groupe "noisy wave" de Lille, était d'abord - encore - une chanson des Pixies.
I am un chien andalousia, groupe electro-rock des années 2010 : là encore, ce sont des paroles issues de la chanson Debaser des Pixies.
Les hurlements d'Léo, groupe vocal français, est d'abord une chanson des VRP.
Les grosses papilles, groupe satirique et festif, est également une chanson des VRP.
Golden hair était une chanson de Syd Barrett - mais on ignore si la référence est volontaire...
Yeah yeah yeah, groupe rock, est d'abord une chanson de The Vibrators.
Amongster, groupe belge, a succédé à une chanson de Poliça du même nom (2012).
Uh Huh Her, groupe pop californien, est d'abord une chanson de PJ Harvey.
Mellow Mood, groupe de reggae italien, est d'abord une chanson des Wailers.
Pompadour Swamp, groupe de rock 'sixties' des années 2010, est une chanson de Captain Beefheart de 1974.
Ghost dance, groupe francilien, est d'abord une chanson de Patti Smith.



27 avril 2019

Les groupes de musique aux noms de machines (liste)

Ces temps-ci je suis en mode petit joueur, avec une tendance à faire des listes.
Aujourd'hui voici une liste de groupes de musiques qui portent le nom de machines et autres "objets modernes". C'était prisé à l'époque des groupes électriques, et plus encore quand les machines ont pris un rôle prépondérant à la fin des années 70.
Les noms de groupes, au début de l'ère punk, reflétaient le monde environnant : flux, béton, circuits informatiques, ordre public, contrôle urbain généralisé.

Alors voilà, un hommage à Jefferson Airplane et à 13th Floor Elevator :
Telex
Téléphone
Telegram
Television
Motorhead
Radiohead
TV on the radio
Vibrators
B52
U2 
The Hellacopters
The amps
The Internet
The Computers
The Videos 
The Sonics
Automat
Autorama
Laser
Atomic Rotors
Atomic Rooster
Washing machine
Wire
Liévaux-Transfo 
les Avions

Pourrez-vous en trouver d'autres ?

12 avril 2019

Les noms de groupes de musique composés de mots-jumeaux (liste)

Je suis d'humeur petit joueur, avec une tendance à faire des listes. Aujourd'hui, ce sera des listes de groupes de musiques.
Depuis quelques années il y a une tendance lourde aux groupes dont le nom est composé de deux mots jumeaux, comme Duran-Duran ou Talk-Talk. L'idée est un peu plan-plan, pas besoin d'être fute-fute pour l'avoir, mais dare-dare, en voici quelques-uns. Mais c'est donnant-donnant : en connaissez-vous d'autres ? Soyez fou-fou !
Twin Twin
Django Django
Zombie Zombie
Hyphen Hyphen
Dupond Dupont
Monsieur Monsieur
Electric Electric,
Smoking Smoking
the Ting tings
Everything everything
Remember remember
Radio radio
Saï saï
Champagne champagne
Now now
Motel motel
Man man
Agar Agar
Edam Edam.

Encore plus fort... :
Hey hey my my ; Pony Pony Run Run ; Die Die Die ; Yeah Yeah Yeahs ; Dark Dark Dark ; Wet Wet Wet...

Pour avoir d'autres idées, cliquez ici.

8 mars 2019

JUJITSUFRAGETTES - un article paru dans Chéribibi N° 10

En ce 8 mars, je poste ici les pages d'un article titré : JUJITSUFRAGETTES ! — extrait du numéro 10 de l'excellente revue Chéribibi.

On y rappelle que les féministes anglaises du début du XXè siècle ont gagné leurs droits de "hautes luttes" : lutte sur le ring, combats de rues et ju-jitsu !

Le Suffragettes Self-defense Club, créé en 1909, était réservé aux militantes de la WSPU (Women's Social & Political Union) et de la Women's Freedom League. Sa créatrice, Edith Garrud, fut la première instructrice d'arts martiaux en 1903 (elle cachait aussi des armes dans son dojo). Mais Edith Garrud, accompagnée dans ce projet par son mari William, ne fut pas la seule pionnière. Il y eut Emmeline Pankhurst, Marie Clark, Emily Watts, Florence Le Mar... En France : Marguerite Vigny — femme d'un maître d'armes, elle créa une technique d'autodéfense avec parapluie —, Madeleine Pelletier. L'artcile nous donne à connaître quelques portraits de ces femmes, quelques exemples de leurs actions libératrices.

En bref : de combats en actions militantes, les femmes britanniques ont conquis le droit de vote pour 8 millions d'entre elles en 1918, et la redéfinition de leur rapport à la violence politique et domestique.





Crédits : Daniel Paris-Clavel
http://www.cheribibi.net/

"L'agresseur décide qu'il y aura violence ; à nous de décider contre qui cette violence sera dirigée" - dans Non c’est non, d’Irene Zeilinger, Zones, Paris, 2008

"Quand on veut travailler à promouvoir l’humanité, il faut la prendre telle qu’elle est. Il est certain que casser un carreau n’est pas un argument ; mais si l’opinion, sourde aux arguments, n’est sensible qu’aux carreaux cassés, que faire ? Les casser, évidemment." - Madeleine Pelletier

3 mars 2019

#HackingParis : une opération tech, geek, fric.

La Ville de Paris organise et subventionne une nouvelle rencontre entre monde marchand, investisseurs et start-up.
Le jeudi 21 mars 2019, ce sera la 5ème édition du Hacking de l’Hôtel de Ville et, déjà, ça sent fort l'esprit Start-up nation.

Le programme est ici.  On y trouvera : des startupers, des experts, des investisseurs, des grands groupes, des jeunes plein d'ambition qui font de l'argent sur du rien. Du rien, oui : sans rien produire d'utile, rien qui se mange, qui se lit, qui épanouit, qui protège. Seulement du spectacle, du divertissement, avec son cortège de pollution et de croissance incontrôlées.
Il y aura aussi quelques agents de la ville présents pour accompagner ça (est-ce le rôle de la Fonction publique territoriale ?). Ce sera un sommet de l'économie néolibérale pour réinventer Paris (c'est le nom d'un réel appel à projets), c'est-à-dire pour une ville de Paris embourgeoisée et gentrifiée.

La com' de la ville adopte un langage dénué de sens : "Venez échanger, brainstormer et travailler entre 2 RV" (...) "Ce rassemblement des professionnels de l'innovation permettra de construire des collaborations et de déceler les innovations de demain." "Toutes les 15 min, le gong retentira pour vous permettre de participer à un ou plusieurs des 3 500 rendez-vous d’affaires pré-qualifiés de la journée. L’occasion idéale d'étoffer son carnet d’adresses et de rencontrer de futurs partenaires lors de ce speed-dating à grande échelle."

Le dispositif est clair, il s'agit surtout de créer son réseau, de créer sa boîte, de faire du fast-fric (oui, moi aussi j'ai le droit d'inventer un concept). Les arguments d'innovation et de culture tech doivent avant tout rendre ces projets spectaculaires. Et dans le spectacle il faut être attractif : "Startup meetup", "séquence de pitch de startups", "Xperiment Show, Workshop", "Newsroom & Plateau TV", "découverte d'écosystèmes", "défis de la civic-tec", "enjeux de croissance", "des expériences immersives", etc.

Tout le vocabulaire de la novlangue libérale est là. (Lire le précédent article : La novlangue néolibérale, langue de la start-up nation)


On craint l'opération séduction : un bel enrobage, un vocabulaire tech, des concepts geeks hors-sol, avec pour seule finalité de développer le goût du business capitaliste et l'entre-soi. Et le fait que parmi les mantras figurent des mots comme "développement durable" et "alimentation" n'y changera pas grand-chose : l'ambition n'est sans doute ni sociale, ni démocratique, ni écologique.

Alors on a des questions :
L'équipe dirigeante de Paris cède-t-elle encore à l'illusion de retombées économiques ? Veut-elle attirer les jeunes en période pré-électorale ? Quelle est la finalité de tout cela ? produire "de l'innovation" ? "découvrir des solutions et des opportunités" ? Est-ce que tout cela est budgétisé ?

Pour finir : la ville de Paris, qui se targue de parité et de représentativité, présente ses têtes d'affiche. Vous allez penser que j'ai la critique facile, mais une gêne m'envahit.



11 février 2019

les femmes dans la pub et dans le cinéma de grand-papa

Les progrès conquis par le féminisme se mesurent aux changement opérés dans les représentations des femmes. Quand on jette un oeil au cinéma et aux pubs d'il y a 2 générations, on se rassure : on est capable d'évoluer ! (mais ce n'est qu'un début, continuons le combat...)

"Article de choix !" C'est ce que dit le gentil héros du film Les inconnus dans la ville (1955), joué par Victor Mature, à propos de la jeune femme, incarnée par Virginia Leith, qui apparaît à nos regards. La suite ("beau chassis", "une carrosserie de première", etc.) est du même tonneau.
On note qu'il s'agit d'un film Richard Fleisher, adepte des personnages de super-mâle. Et comme par hasard, à la fin du film, on assiste à la gloire du héros, que son fils présente fièrement à ses potes parce qu'il a tué des méchants.


Putain c'est beau comme une blague de Bigard, délicat comme un frotteur dans le bus. Alors on est quand même rassuré car le féminisme est passé par là, faisant reconnaître les femmes dans leur existence et dans leurs droits : je ne peux pas imaginer de telles scènes dans le cinéma contemporain.

Ces couverture du magazine Cinémonde des années 30 à 50, qui nous montrent les corps des vedettes comme de purs objets de désirs, nous disent à quel point les femmes, mêmes célèbres, n'existaient pas en tant que personnes. Seule leur présence sexuelle était mise en avant. Cinémonde n'était pourtant pas une sorte de Playboy qu'on trimballait sous le manteau, mais une revue de cinéma grand public.



Vous vous rappelez le rôle dévolu aux femmes dans la publicité, jusque dans les années 70 ? Certes, on voit revenir en force des pubs ultra-genrées, où les femmes s'épanouissent dans la beauté et la séduction et où les hommes se réalisent dans la vitesse et le défi, et c'est tellement navrant que ça justifie tous les commandos antipub.
Mais bien plus tôt, il y eut une époque où le rôle des femmes était juste d'être des épouses et des mamans, et leur premier devoir était d'assurer la satisfaction de leurs maris — puisque c'était eux qui devaient les féconder, fallait bien qu'ils puissent joindre l'agréable à l'utile. Le modèle était celui de la femme au foyer et de la servitude conjugale. Ce que dit la pub Moulinex ci-dessous, c'est que le progrès permet aux hommes d'offrir à leurs femmes les moyens de leur offrir le confort, à eux


Ces réclames, parues dans la presse de cinéma des années 30 (Le Film, Mon ciné...), concernent un autre marché : les produits miracles. Elles témoignent de la facilité avec laquelle on pouvait manipuler les femmes avec des promesses dignes d'un flyer vantant les services d'un marabout. 


Comme vous avez remarqué, les pubs proposent aux hommes d'accéder à plus de confort ; celles qui s'adressent aux femmes leur proposent d'être plus séduisantes, dans une féminité très normalisée.
Les publicitaires d'aujourd'hui pourraient bien envier ceux de jadis, pour qui il devait être si simple d'imposer aux lectrices leurs diktats sans être parasités par les mouvements d'émancipation des femmes. 

Les temps changent, les copains, ça commence à être plus difficile d'exiger des femmes qu'elles soient des objets sexuels... P'têtre même qu'un jour, faudra vous y faire, on devra vivre égaux.

4 janvier 2019

La novlangue néolibérale, langue de la start-up nation

Vous avez déjà jeté un oeil aux campagnes de com' des grandes collectivités territoriales ou de l'Etat, des entreprises ou des grandes institutions ? Alors vous avez déjà goûté aux charmes de la novlangue libérale.

Pour rappel, la novlangue c'est la langue officielle d'Océania, le régime totalitaire décrit dans 1984, le roman visionnaire de Georges Orwell. Le régime d'Océania impose le contrôle extrême des citoyens, la censure jusque dans la sphère intime. Pour faciliter ce contrôle il impose aussi une nouvelle langue, la novlangue. Elle consiste en une simplification lexicale du langage, avec une objectif précis : rendre 
impossible toute formulation des idées. La novlangue évacue les concepts, le vocabulaire complexe, symbolique ou poétique, ainsi que certains mots qui se rapportent aux sujets censurés. Privés des moyens de pensée critique, habitués à ne réagir qu'à l'affect, les citoyens deviennent les proies idéales de la propagande d'État.

Dans les grandes collectivités comme les grandes entreprises, on a adopté une novlangue néolibérale. C'est la langue de la Start-up nation, système vanté par Macron qui consiste à mettre sur le plan de l'efficience économique tous les aspects de la société humaine. Il s'agit d'évacuer les mots trop signifiants, familiers, communs, et de les remplacer par des termes plus bankable, à la fois plus techniques et plus spectaculaires. De fait, les mots choisis sont détournés de leur sens, faits d'assemblages de termes familiers, et souvent empruntés à l'anglais. 

Ainsi du rapport Développement durable de la ville de Paris, exercice 2017 — publié en décembre 2018. Dans ce document, pourtant orienté vers la transition écologique et le bien commun, c'est la novlangue néo-libérale qui règne. Les quelques occcurences de participation, de concertation, de dialogue et de vivre-ensemble sont réduits à des prétextes pour rassurer les lecteurs sur la volonté démocratique de l'équipe dirigeante.

« DataCity est le 1er programme français d’open-innovation sur la thématique de la ville intelligente »

« Paris expérimente les mobilités de demain»
« Les projets innovants, les nouvelles méthodologies agiles, la co-construction sont les leviers de l’attractivité économique»
« L’appel à expérimentation Qualité de l’air est lancé par Urban Lab de Paris&Co, Airlab d’AirParif et la Ville de Paris »
« les véhicules autonomes & la mobilité connectée »
« Les soirées Réseautage & papotage réunissent porteurs de projets et citoyen-ne-s curieux »
« Paris s’engage pour un système alimentaire plus durable, inclusif et résilient »
« FAIRE est un accélérateur de projets architecturaux et urbains innovants »
« l’Îlot vert, un îlot valorisant le recyclage des déchets flottants et vecteur de biodiversité, un modèle économique inédit pour densifier et valoriser le tissu pavillonnaire »
JO2024 : « des jeux sobres, partagés et inclusifs »
« Favoriser des modes de production et de consommation responsables et développer l’économie circulaire »
« Un groupe de travail composé d’agent-e-s volontaires (ou « nudge lab ») a conçu des stickers afin de favoriser les comportements vertueux »
« Le projet [...] crée un lieu de l’économie circulaire avec des espaces innovants (fablab, co-working, pépinières d’entreprises et start-up, etc) » ...