7 juin 2021

Contre le négationnisme sur la conquête de l'Algérie par la France

J'entends parfois parler des raisons philanthropiques de l'intervention de la France en Algérie : "mettre fin à la traite arabe", "apporter les Lumières de l'occident", etc. Ce discours flatte surtout une vision de la France comme phare de civilisation qui éclaire le monde, induit des mensonges et occulte la vérité sur la conquête de l'Algérie. Alors contre les discours chauvins et bidon, on rappelle les faits.

Affiche du Centenaire de l'Algérie française, 1930

On a maintes fois entendu que la traite négrière n'a été qu'une des diverses formes d'esclavage qui existent depuis des millénaires de par le monde, et que dans certaines régions, l'esclavage arabe existe encore. En effet, l'esclavage pratiqué par les Européens  s'inscrivait dans les pratiques plus anciennes... à ceci près qu'avec les Européens, pour la première fois, l'esclavage a été fondé sur une science. Une science bidon, inventée pour justifier la soumission d'autres peuples : la classification raciale.

« Dictionnaire pittoresque d’histoire naturelle et des phénomènes de la nature », Guérin, 1838

Une propagande au service de mensonges

Au sujet de l'Algérie, soyons clairs : combattons l'idée qu'elle s'est faite pour "répandre les Lumières dans le monde".
La France appelait cette conquête ça une "campagne de pacification". Mais pourquoi ? Rappelons que les mots sont des armes de propagande. On rappelle d'ailleurs que les conquêtes territoriales par les puissances européennes ont été validées par les autorités dès qu'on les a appelées "mission civilisatrices". De même, la guerre menée par la France en Algérie, de 1954 à 1962, s'est faite dans le cadre de ce qu'on appelait "opérations de pacification", ou "opérations de maintien de l'ordre".

Dire que la France vint en Algérie pour mettre fin à la traite arabe est faux également : en 1830, les esclaves européens de la traite arabe n'étaient plus que 400... alors qu'a la même époque, les esclaves africains pour le compte de l'Europe étaient des millions. De plus, le dey, le souverain d'Alger dont le règne s'est achevé lors de l'intervention française, avait déjà renoncé en 1818 à la traite des esclaves, soit 12 ans avant le conflit avec la France.

Le Dey d'Alger et Charles X, par Mendouze  © Gallica

On sait que c'est un incident diplomatique de 1830 qui fut le prétexte à l'attaque de l'Algérie par le roi Charles X ; en pratique, le roi trouvait là le moyen de ravir ce territoire à d'autres puissances européennes.... car oui, la France, comme d'autres puissances européennes, était déjà présente avant le XIXe siècle en Algérie avec ses commerçants, ces militaires et ses émissaires politiques. Voilà : la France entra en Algérie par la force et sans aucune raison véritablement humaniste. Le résultat de cette "campagne de pacification", c'est que de 1830 à 1848, 100.000 soldats français furent tués... ainsi que 500.000 personnes parmi la population indigène ! Sans parler des autres victimes, des persécutions et des viols, dont les historiens ne parlent pas.

La prise de Constantine, 1837

Les Algériens étaient français, oui. Mais politiquement, il n'était pas admissible de les considérer comme les égaux des Français de métropole. C'est pourquoi, en 1870, le décret Crémieux permit de différencier leurs droits : les "indigènes musulmans" restèrent ainsi en quasi-totalité sous régime de l'indigénat, jusqu'en 1946. Et, alors qu'avant 1830, les Juifs d'Algérie étaient soumis à un statut de dhimmis, dès 1870 ce sont les musulmans qui vécurent en sous-citoyens dans leur propre territoire.

"Les colonies françaises", illustration d'un manuel scolaire, Geisler, 1900

Il existe un autre mythe à combattre ; il consiste à affirmer que si Crémieux n'a pas offert la pleine nationalité aux Musulmans, c'est parce que ceux-ci n'en voyaient pas l'intérêt. C'est évidemment faux, il s'agissait d'une nouvelle différenciation des populations, une classification administrative selon la religion des individus.

Une conquête fondée sur le pillage

L'Algérie constituait une base avancée vers le continent africain, assurant à la France une puissance diplomatique décisive. Elle offrait aussi des matières premières et du coton. Une des premières mesures mises en place par la France, dès la conquête, fut l'expropriation des terres. L’État français mis la main sur l'immense Algérie durant plus de 120 ans : les départements situés au nord, et les territoires relevant de l'armée française, situés au sud. On estime ainsi que durant cette longue période, l'ensemble des paysans algériens ont perdu 40 % de leurs terres agricoles, notamment les plus fertiles.

 

Justifier la conquête de l'Algérie par des raisons morales ne sert que ceux qui refusent la responsabilité de la France dans les crimes de l'histoire. Affirmer que les conquêtes coloniales étaient des actions bienfaitrices ne sert que ceux qui veulent rendre les colonisés responsables de leurs drames. Ces discours ne nient les faits. Ils constituent une négation de l'histoire. Les opérations de colonisation européenne sont des entreprises racistes.

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