19 juillet 2023

Il est partout : l'effet "tube néon" pour les titres de films

 

Ce mois de juillet c'est la sortir du film Joy Ride mais je ne vais pas parler de ce film. Désolé si ce début ne rime à rien. En fait je vais parler de l'affiche du film, et plus précisément du lettrage de son titre.

Je m'intéresse depuis longtemps aux motifs visuels des images commerciales : comme les graphistes publicitaires le savent, les motifs visuels sont des messages, ils impliquent des réaction diverses de la part du public : désir, rejet, fascination, trouble... L'usage des codes visuels est une technique de manipulation. Ici, le titre du film Joy Ride est constitué de lettres qui imitent les tubes fluo : du bleu, du rose, vif et flashy comme un enseigne lumineuse. Qu'est-ce que nous raconte ce motif ?

Les lampes à décharge au gaz néon (Ne), inventées au début du XXe siècle et largement utilisées à partie des années 1930, ont permis d'éclairer les commerces d'un orange caractéristique, intense et dynamique : cinémas, clubs de nuit, dancings et fêtes foraines. Peu à peu d'autres gaz furent utilisés, notamment la vapeur de mercure ou d'argon pour obtenir diverses couleurs. Capter le regard, éblouir. Toute l'industrie du spectacle en a bénéficié.
 
Times Square, années 1930. Boradway années 1950. Boulevard de Clichy en 1954
 
Aujourd’hui on utilise généralement des lampes LED, mais on parle de tubes à fluorescence.
En quelques décennies, les "tubes fluo" sont devenus le moyen d'évoquer à la fois : le monde de la nuit, les errances urbaines, la tension sexuelle, l'inconnu, les économies parallèles, sans oublier l'essor des drogues, la lumière du shoot et les visions psychédéliques.
On comprend que les artistes contemporains se soient intéressés aux tubes fluo : cette technique populaire et tapageuse a un effet immédiat. La Maison rouge, galerie parisienne, en avait même fait l'objet d'une expo en 2012, et de nombreux artistes actuels, comme Neonardo, utilisent ce motif.
 
Francois-Morellet : trames de néons, 1972 + Triple X Neonly, 2012.
Frank Horvat : Up and down - 1984
 
Et dans le cinéma ? Dans les années 60, le New Hollywood a bousculé les codes visuels et narratifs, avec d'autres genres comme les giallos et les horror movies. Il s'agissait toujours de mettre en scène les marges urbaines, la nuit, le sexe et l'interdit - tout ce qui échappe au contrôle social. 

A vous de retrouver les films d'où sont issus ces photogrammes.
 
Ces effets lumineux se sont naturellement retrouvées sur les affiches (même en France dans des films avec Michel Galabru !)

Sexy al néon, E. Fecchi 1962. Phantom of the paradise, B. de Palma 1974.
American graffiti, G. Lucas 1973. La nuit de St-Germain-des-Près, B. Swaim 1977


Depuis les années 2000 et surtout 2010, à la faveur du revival des années 80 dans toute l'industrie pop, les motifs en tubes fluo ont déferlé sur une bande-son de synth-wave
On peut même en acheter pour décorer son appartement, comme dans la boutique en ligne Etsy. Ce motif envahit le cinéma, comme l'ont constaté les membres de Sens critique ou le blog de Yallowpop, entreprise de déco intérieure... en néons LED. 

L'épisode de Black Mirror de 2016, titré San Junipero, utilise le néon pour créer une représentation fantasmée de l'année 1987. Les années 80 vues au prisme des années 2010...
 
 

La même année 2016, une directrice de création graphique parlait des néons comme d'un "véritable tropisme esthétique et pop-culturel teinté de kitsch, de magie et de nostalgie", tout en prévenant qu'ils étaient "en voie d’extinction". On est en 2023 et son article reste d'actualité. 
Les affiches ci-dessous (*) ne dérogent pas au marketing actuel, selon lequel l'effet "tubes fluo" crée du désir — si possible avec du bleu, du rose et du mauve.


Les séries aussi bien sûr...

Et le cinéma français...
 
Le motif "néon" est-il aussi un code pour identifier des films qui parlent d'homosexualité ?
 
Coffret de 3 films de Nicolas W. Refn
Mentions spéciales à Bertrand Mandico et Nicolas W. Refn !
3 affiches de films de Bertrand Mandico
 
 
 
 
Certains concepteurs pensent même que le "motif néon" est une condition favorable à la ressortie d'anciens films : depuis les années 2010, on réédite les affiches de certains films, sur les registre "nuit, sexe & danger", en ajoutant un lettrage en tube fluo.
Bood simple, affiches de 1985 puis de 2018. New York 2h du matin, affiches de 1984 et de 2003.
New rose hotel, affiches de 1998 et de 2006. Subway, affiches de 1985 et de 2009.
 
 
Bref, il ne manque plus que les bouquins soient édités avec les mêmes codes visuels.
Ah bah tiens, justement...
Les âmes sous les néons,
de Jérémie Guez, 2021

 
 
 
* Affiches de : 2046, Wong-Kar W., 2004. The smell of us, L. Clark, 2014. The place, P. Genovese 2018. The Binge, J. Garelick, 2022. Atomic blonde, D. Leitch 2017. Ride, J. Ungar 2020  Hotel Singapura, E. Khoo 2016. Queens, L. Scafaria 2019. Bloody milkshake, Papushado 2021. Joy ride, A. Lim 2023. Bad times à the El Royale, D. Goddard 2018. Mate me por favor, A. Rocha da Silveira 2017. Moonlight, B. Jenkins 2016. Kin, J & J. Baker 2018. Killer Joe, W. Friedkin 2011. Diamantino,  G. abrantes & D. Schmidt 2018. Corpo Elétrico, M. Caetano 2018. Les engagés, S. Le Postec 2017. Looking, M. Lannan 2014. Un couteau dans le coeur, Y. Gonzalez 2018. Feel good, M. Martin & J. Hampson 2020. Séries : Riverdale ; Lucifer ; She ; Romm 104. Films français : Cinq et la peau, P. Rissient 2018. M, de S. Forestier 2017. Ares, P. Benes 2014. Sky, F. Berthaud 2016. La nuit venue, F. Farucci 2020. Dealer, J. Perceval 2022. Une jeunesse dorée, E. Ionesco 2018. C'est qui cette fille, N. Silver 2018. Pattaya, F. Gastambide 2016.

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