10 septembre 2021

Refusons le concept de "renaissance"

Qu'est-ce que ça veut dire, Renaissance ? A quoi ce mot renvoie-t-il, politiquement ? Voici un petit éclairage, car ce mot est régulièrement utilisé dans des discours de haine, nationalistes et racistes.

La Renaissance est d'abord cette époque de grand développement européen — artistique, philosophique et politique —, qui débuta avec les grandes conquêtes. Elle se fit grâce au commerce triangulaire et à l'expansion économique.

Alexandre gagne la bataille contre
Porus et ses éléphants, dans le Pendjab.
Manuscrit du XVe siècle
Cette époque, qui fut nommée Renaissance au cours du XIXe siècle — donc au moment où elle se terminait — fut marquée par un grand désir : le désir de perpétuer l'héritage de l'Antiquité grecque et surtout romaine ; le désir de faire renaître un empire comme celui d'Alexandre de Macédoine ; le désir de se revendiquer d'une grande civilisation triomphante. 

Dès le XVIe siècle, afin de faire rebâtir un empire, on procéda à des conquêtes, des génocides, des déportations, de l'esclavage, et on instaura des théories raciales pour justifier tout cela. Je ne ferai pas un cours d'histoire ici, ni ne donnerai de sources que vous pourrez trouver vous-mêmes. Mais la Renaissance, c'est aussi ça : un héritage artistique, intellectuel, mais aussi guerrier et sanguinaire, et lourd à assumer.

Ornements dans le temple hindou
Gangeshwar Mahadev dans le Gujarat (Inde)
Par la suite, les chantres des mouvements de "renaissance" ont toujours été motivés par une volonté de suprémacie. Depuis le XIXe et durant une bonne partie du XXè siècle, des idéologues d'extrême-droite tels que Edouard Drumont, Robert Brasillach, Charles Maurras ou Maurice Bardèche ont revendiqué une renaissance de la civilisation occidentale, théorisée dans leur littérature racialiste. Ils ont participé à propager les thèses des nazis, selon lesquelles la "race germanique" incarnait la renaissance de civilisations antiques perdues.

Renaissance est le terme poli pour parler de reconquête...

Après la guerre, l'extrême-droite française remettait le couvert, François Duprat et sa revue Défense de l'occident, Pierre Sidos et l'OAS, Jean-Marie Le Pen et ses nervis... Une galaxie de négationnistes, racistes, antisémites, tous partisans d'une renaissance européenne contre l'envahisseur mondialisé — qu'il soit "nègre", "raton", "rouge" ou "judaïsé".

Torchon national
Cette extrême-droite a préfiguré l'apparition de la "Nouvelle droite" actuelle. Un mouvement politique animé par Alain de Benoist, Patrick Buisson, François Bousquet, Eric Zemmour, Mathieu Bock-Côté, Renaud Camus et désormais Michel Onfray. Les animateurs de ce courant idéologique, plutôt que parler de reconquête raciale comme on disait auparavant, évoquent aujourd'hui une reconquête culturelle. Ça fait moins frémir les honnêtes gens ! Mais les objectifs sont les mêmes : l'affirmation de nations puissantes, homogènes, immiscibles, masculinistes et blanches, érigées et armées contre les influences extérieures, contre les peuples mondialisés, contre toutes les diasporas.

C'est ainsi qu'aujourd'hui en France, un cadre de l'extrême-droite titre son livre La Renaissance de l'Occident ; un mouvement cultuel se nomme Renaissance catholique ; un candidat à la présidentielle, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale, parle de "renaissance" dans son dernier torchon, appelant à une "reconquête" contre les influences étrangères.

Dans cette lignée des théories de renaissance, citons aussi les thèses suprématistes de Daniel François Malan ; dans les années 1950, ce chef du gouvernement sud-africain, appelant à une renaissance de l'esprit afrikaner, a permis d'instaurer le régime d'apartheid. On peut aussi parler de l'Inde actuelle, gouvernée par l'extrémiste Narendra Modi : il a instauré la Hindutva, une idéologie nationaliste hindoue, qui prône la renaissance de l'hindouisme politique et qui s'est organisée sur le modèle du fascisme mussolinien.

La renaissance comme programme politique, ça semble attrayant... mais soyons vigilants : ce mot n'est pas anodin, il promet surtout la division, la haine, la peur de l'autre et la violence. Renaissance ou reconquête nationale sont les mots de la guerre.


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