22 octobre 2018

Le malentendu Jean-Michel Basquiat

Depuis ce mois d’octobre, la fondation Louise Vuitton expose deux artistes, Egon Schiele et Jean-Michel Basquiat. Au-delà de l'opportunisme commercial qui consiste à présenter des "stars" à l’œuvre "sulfureuse", la visite vaut le déplacement au moins pour Shiele.


L'effervescence qu'il y a régulièrement autour de Basquiat me semble être un énorme malentendu. Cet artiste est un pur produit du marché de l'art, surestimé à la place d'autres méconnus : un bel arbre qui cache une forêt palpitante.

Quand on visite une expo, un "Basquiat" a quelque chose d'évident, d'immédiatement reconnaissable. Mais si je pige bien l'enjeu d'intégrer des figures traditionnelles haïtiennes dans ses œuvres modernes, je ne prête pas d'intérêt à cette oeuvre, ni pour les sentiments qu'il y exprime, ni pour l’usage des symboles politiques ou sexuels, ni pour les couleurs, ni pour la maîtrise du geste. J'ai vu ses oeuvres dans des collections permanentes ou lors d’expositions dédiées, j’ai vu les gens piétiner et s’extasier. J'ai essayé, vraiment. Montages sympa. Détournements malins. De la colère, de la couleur. Mais j'ai le sentiment que le cas Basquiat est une énième supercherie du marché de l'art contemporain. Un goût amer, que ne m'ôte pas la vision de la fée Louis Vuitton se penchant sur la tombe de l'artiste.

Alors, à quoi Basquiat devait-il la reconnaissance ? sans doute à son goût pour l'art "métissé" et éphémère dans le new-york de l'époque ; sans doute à sa gueule d'ange déchu ; sans doute à son puissant entregent, de Warhol à Maplethorpe ; sans doute aussi au désir des riches galeristes et des mécènes blancs de s'encanailler et de renouveler leur image. Le mélange des toutes ces raisons est un cocktail efficace et vendeur. Un cocktail efficace, ce que Basquiat a été, peut-être malgré lui.

Je suis certain de la sincérité de Basquiat, je n'ai aucune critique à faire sur sa démarche. Mais n’oublions pas qu’il était un des 1000 visages de l'explosion culturelle à New York : le graff & le hip-hop, un nouvel art des rues dans les quartiers de New-York et au-delà, un mouvement (multi-)culturel bouillonnant et indomptable, encore complètement méconnu du grand public à l’époque.
En extrayant Basquiat de tout cela et en l'exposant depuis des décennies par les voies les plus mondaines et les plus mercantiles, non seulement on valorise un artiste mineur, mais surtout on passe à côté d'un mouvement énorme, subversif et populaire... : la culture des rues au début des années 1980, l'art éphémère et l'art brut, la poésie des marges.
Cet ensemble occupe une place passionnante... en-dehors des galeries, des musées et du marché.

Basquiat est désormais un symbole — qui peut même être utilisé et détourné par Banksy, le maître du happening. Mais c'était juste un artiste de l'éphémère qu'on a tenté d'apprivoiser.
SAMe Old shit.

1 commentaire:

  1. Je ne puis qu'être d'accord avec vous. Basquiat n'est effectivement qu'une énième supercherie de l'art contemporain et l'idée de le jumeler à un vrai talent comme Schiele, relève de l'absurdité.

    L'engouement pour cet artiste s'explique, en grande partie, par l'hyperbolisation médiatique autour de sa personnalité, sa vie tumultueuse et son destin tragique. La plupart des gens que j'ai rencontré, et qui lui vouent une admiration sans borne, semblent attacher plus d'importance à son parcours personnel qu'à son oeuvre, comme tel. Pourtant, si on s'y attarde le moindrement, elle ne résiste pas longtemps à la critique.

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