20 novembre 2021

C'est tendance : les titres de romans aux noms de chansons

Dans quelques jours, la journaliste Catherine Nay sort la suite de ses mémoires, sous le titre Tu le sais bien, le temps passe. "Tu le sais bien, le temps passe", ça vous dit rien cette petite phrase ? C'est comme une vieille connaissance déjà rencontrée dans une chanson de Julien Clerc : Ce n'est rien.

Les titres de romans aux noms de chansons (ou issus de paroles de chansons), c'est une tendance lourde. En 2011, Delphine de Vigan a publié Rien ne s'oppose à la nuit. La poésie et l'efficacité de ce titre, puisé dans la chanson Osez Josephine de Bashung, a donné le coup d'envoi d'une série de romans, bluettes ou thrillers de gare, aux noms issus de paroles de chansons.

Et puis en 2014, Virginie Carton a chroniqué la vie d'une femme dans La blancheur qu'on croyait éternelle, phrase entendue chez Souchon (Tiens, "chez Souchon" : essayez de prononcer ça). En 2015 Marie Vareille était l'auteure de Je peux très bien me passer de toi — référence à Pas assez de toi de la Mano Negra. En 2016, Virginie Grimaldi a écrit Le premier jour du reste de ma vie, qui est une chanson de Daho.

Osez Joséphine (clip)
Et puis une foule de références à Bashung a envahi les vitrines des librairies : en 2015, Madame Rêve, une œuvre de Pierre grillet ; en 2017, La nuit je mens, premier roman de Cathy Galliègue ; en 2019, J'ai dû rêver trop fort, de Michel Bussi — un auteur qui a exaucé tous les rêves de son éditeur. 

Cette année-là, Rachel Corenblit a carrément pondu Un peu plus près des étoiles, piochant sans vergogne dans la pire variétoche.

 

Soyons clairs : si vous trouvez le dispositif pas très original, voire carrément facile, n'oubliez pas qu'on parle de feel-good litterature. Ça n'a pas vocation à être inventif mais ça doit faire rêver, ça doit être sympa et familier... En bref : de quoi émouvoir en restant PO-SI-TIF !

A propos de Michel Bussi, ses titres constituent un festival de hits des années 80 : Mourir sur Seine ; Un avion sans elle ; Rien ne t'efface ; Le Temps est assassin ; Maman a tort ; On la trouvait plutôt jolie... De Mylène Farmer à Jean-Jacques Goldman, de Pierre Perret à CharlElie Couture, l'auteur a dû beaucoup écouter Radio nostalgie. Il s'est même aventuré sur les terres du rock indé en citant Thiéfaine et François Hadji-Lazaro !

Et puis à la rentrée 2021, juste avant les mémoires de Catherine Nay, Maryam Madjidi a fait paraître les siens, Pour que je m’aime encore.


Bien sûr l'idée n'est pas neuve, les bouquins font échos aux chansons depuis longtemps. En témoignent les romans Les lauriers sont coupés (Dujardin, 1888), Voyez comme on danse (d'Ormesson, 2001), La prochaine fois, le feu (Baldwin, 1963), S'il braille lâche-le (Himes, 1945), etc. Il y a même des obsessionnels pires que moi, qui ont fait des listes de bouquins aux titres de chansons.

Aujourd'hui, les auteurs populaires choisissent des titres, non pas issus des comptines traditionnelles ou des poèmes épiques, mais venus du Top 50 des boomers. Car les années 70 et 80 regorgent de ces hits que la bande FM nous martèle depuis quatre décennies — et dont l'évocation facilite la constitution d'un capital fidélité.

Tiens, je découvre que Tatiana de Rosnay, elle aussi, avait titré son roman Elle s'appelait Sarah. Le bouquin retrace un destin similaire à celui que raconte Goldman (encore lui !) dans sa chanson Comme toi. Il est paru en 2007. Une pionnière, Tatiana.