20 octobre 2009

derrière le béton, les décombres

Est-ce l'approche de l'hiver, le froid qui nous entoure peu à peu ? Est-ce l'hégémonie d'une société archi-policée, policière, où les franches rigolades, les joies collectives ou les grandes colères, sont si rares ? Est-ce l'effacement des teintes chaudes et les nuits plus longues ?

Les crépis se craquèlent ; les atours et les enveloppes, malgré leur bonne facture, tombent ; le vernis finit par s'écailler. Le carrelage, la jolie peinture glycéro brillante finira par laisser voir le fouillis de câbles jusque là cachés, la poussière, les détritus et les gravats. Sous les pavés la plage ? Peut-être, mais derrière le béton, les décombres.

J'aimais jusqu'ici prendre en photo des chantiers immobiliers ou des sites détruits parce qu'ils étaient les squelettes de la ville, les structures urbaines en devenir ou bien détruites, sites d'activité industrielle aux ouvriers agglutinés autour des machines-outils et des Algeco. Or cette réalité-là n'est pas circonscrite aux sites industriels, elle n'est pas réduite aux lieux en transformation : la structure nue de notre environnement est partout. C'est un certain regard sur les choses : soudain, le vernis tout neuf, le joli ravalement, le mur kärchérisé, la bossa nova égrenée des hauts-parleurs sur les quais du métro, la rue fraîchement goudronnée, les enseignes et les espaces verts bien tondus, tout cela s'avère le cache-misère qui nous permet de ne pas penser à, de ne pas constater la ruine.
Quand on mate l'image d'un sourire publicitaire sur une affiche, quand on voit les beaux panneaux colorés en plexiglas qui recouvrent la devanture du centre commercial, ou les rayonnages des supermarchés —"les vitrines du capitalisme" comme disaient les commandos antipub — c'est le déclin de notre monde que je fixe. C'est la fine couche de cosmétique qui couvre le réseau nerveux abîmé, l'étoffe soyeuse qui cache le squelette branlant.

La gueule du cache-misère en dit long sur la misère. Voyeur que je suis, je me mets à photographier les tentatives des municipalités, des industries, des autorités... de rendre notre monde plus acceptable, plus décoré, les tentatives d'en sauver les apparences. Les sourires, les revêtements, les produits équitables, les couleurs pastel des packs lé, les effets d'annonces, et les campagnes pour le bio.
Parce qu'on ne peut plus être dupe : ce qu'on appelle l'ordre public n'est que le vernis d'un monde dévasté, dans lequel on a pris l'habitude d'évoluer.

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