25 avril 2011

Marine Le Pen populaire chez les pauvres ?

Le Figaro.fr du 24 avril 2011  : "A moins d'un an de la présidentielle, Marine Le Pen caracole en tête d'un sondage Ifop * pour le Journal du Dimanche. Cette fois, elle est le choix préféré des ouvriers avec 36% d'intentions de vote dans cette catégorie de la population, contre 17% pour Dominique Strauss-Kahn et 15% pour Nicolas Sarkozy. (...) Dans le JDD, le directeur de l'Ifop, Frédéric Dabi, fait valoir qu'il s'agit là d'un «retour en arrière» : en 2007, Nicolas Sarkozy avait en effet réussi à récupérer le vote populaire..."
Le Figaro peut le clamer avec gourmandise, le FN c'est la faute des pauvres.
Les électeurs les plus exclus et les moins protégés par l'État sont souvent passé d'un vote de plébiscite (pour Sarko en 2007) à un vote de rejet (pour Le Pen en 2010). Le "retour en arrière", dont parle le quotidien de droite, c'est quoi ? c'est la progression des intentions de vote, ou c'est l'aggravation des politiques antisociales ?


L'augmentation du vote FN, l'augmentation des choix de rejet des partis majoritaires, tout ça me rappelle un sondage réalisé en février dernier, avant les élections cantonales. Un sondage IFOP/ Marianne/Europe1** aux méthodes et aux questions honnêtes : c'est assez rare, puisque dans la presse, les enquêtes sont souvent trop orientées pour qu'on les prenne au sérieux.
Les données étaient assez édifiantes quant aux tendances des abstentionnistes ; les réponses des sondés révélaient une chose : l'écart énorme qui s'est creusé entre les dirigeants politiques et le peuple, un peuple que les dirigeants représentent aujourd'hui moins que jamais.
Les experts des médias dominants ont trop souvent glosé sur l'importance de l'abstention pour expliquer l'augmentation du FN dans les scrutins. Certains ont appelé à voter, voter, ne serait-ce que pour faire barrage aux extrêmes. Selon ces spécialistes invités aux JT, tout comme selon les dirigeants politiques au pouvoir, si le PS et l'UMP apparaissent si peu légitimes, c'était la faute à ceux qui votaient pas, à ceux qui votaient mal... Donc, loin de reconnaître publiquement que leurs partis NE SONT plus légitimes , ils rejettent la responsabilité des bons résultats du FN sur les abstentionnistes !

Ce sondage IFOP/ Marianne/Europe1révèle pourtant le contraire : la forte abstention a limité le vote FN !
La question, posée à ceux qui projetaient de s'abstenir, était claire : "si malgré tout vous étiez obligé de voter, lequel de ces candidats correspondrait le mieux à ce que vous aimeriez exprimer ?" Et ben, les abstentionnistes, s'ils y étaient obligés, auraient voté à 27% pour le FN... (et à 12% pour l'UMP, et à 10% pour le PS — partis qui ont récolté respectivement 16% et 25% des voix en mars).
Ca met une grande claque à ces partis au pouvoir, qui peuvent remercier les électeurs de s'être abstenus à 56% au 1er tour des cantonales !!!



Par ailleurs, ce sondage IFOP/ Marianne/Europe1 de février éclaire le nouveau sondage cité par le Figaro.
A la question "êtes-vous d'accord avec l'affirmation suivante : il y a trop d'étrangers en France ?", la réponse est... OUI, à 65%. 65% des électeurs sont d'accord pour dire qu'il y a trop d'étrangers ! 65%, dont 69% des sympathisants NPA et LO, précise l'enquête... Est-ce à dire que la droitisation des esprits gagne du terrain, même à l'extrême-gauche ?
Si, comme le fait le Figaro, on prenait ce sondage au sérieux, on devrait admettre ceci : même si la majorité rejette farouchement les choix de Sarkozy, le discours de celui-ci a bien résonné dans les têtes ; les peurs qu'il a générées ont grandi au sein de la population. Les idées rances de l'UMP sécuritaire ont du succès. Dans toutes les classes sociales.
Car on peut s'étonner que les classes populaires votent FN, mais il n'est pas nouveau qu'elles sont très perméables aux discours racistes et sécuritaires : ce sont les pauvres qui sont au front pour prendre l'insécurité sociale dans la tronche ; ils sont donc prêts à adhérer aux premiers menteurs qui leur promettront de les tirer de leurs situations.
Une leçon de l'histoire : dans les contextes de misère et de peurs grandissantes, la réaction malheureusement instinctive des électeurs, c'est de donner leurs votes aux partis les plus manipulateurs, à ceux qui critiquent le plus violemment les pouvoirs en place. Un instinct de survie, même s'il est illusoire...



Vivement une opposition crédible, qui rassemblerait les citoyens pour s'opposer aux partis en place ; une opposition non manipulatrice et haineuse, mais anticapitaliste, solidaire, antiraciste, féministe, et pour la justice sociale !

* Données issues de l'enquête Ifop/Paris Match/Europe1réalise les 20 et 21 avril 2011

** fiche technique du sondage :

1 commentaire:

  1. Politis a publié un bon article à propos de ce sondage :
    http://www.politis.fr/Les-Proletaires-N-Ont-Decidement,13913.html

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