31 août 2025

"Si VRAIMENT Israël voulait commette un génocide, pourquoi ne le fait-il pas en bombardant Gaza ?"

Récemment une personne proche, refusant de considérer que le gouvernement israélien commet des crimes à Gaza (oui oui, il y a des gens qui pensent ça), m'a posé cette question : "Si vraiment Israël voulait commette un génocide, pourquoi ne le fait-il pas en lançant une bombe sur Gaza ?"
La question est indécente, mais elle est simple et j'ai voulu faire une réponse précise.
Je dois dire que j'ai déjà entendu cette question, depuis longtemps et avec des variantes : "Si vraiment Israël voulait raser les territoires palestiniens, pourquoi ne l'aurait-il pas fait avant ?" Et je percevais alors ce sous-entendu : "Pourquoi Israël n'a-il pas déjà tué tous les Palestiniens... puisque c'est si facile ?"
 
Alors déjà je ne parle pas d'Israël mais du gouvernement.
Ensuite le gouvernement israélien n'a pas toujours voulu commettre un génocide. Bien sûr il y a toujours eu des racistes qui voulaient détruire les Arabes et leurs terres, comme dans tous les pays où il y a une extrême-droite influente, mais ces voix me semblaient minoritaires.
Jusqu'à récemment.
Jusqu'à récemment, Israël ne pouvait pas commettre un génocide ni "lancer une bombe sur Gaza" pour deux raisons :

1 - d'abord, Israël est une démocratie : donc pratiquer un génocide, bah ça doit quand même être le fruit d'une décision collective, validée par les autorités, sans blocage juridique, etc.

2 - ensuite, la position morale majoritaire des Israéliens était, jusqu'à récemment, "Non à une destruction totale des Palestiniens". Le Plus jamais ça résonnait encore assez fort.
Or les choses sont en train de changer...
 

1 - sur la démocratie
Netanyahou a tenté de réformer le système judiciaire avant le 7 octobre 2023, pour limiter le pouvoir de la Cour suprême et garantir une majorité de juges favorable à sa coalition. C'était une tentative de hold-up de la démocratie.
Il y a eu plusieurs manifs de plus de 100.000 personnes, une journée a même réuni 630.000 personnes dans les rues du pays (c'est comme si en France il y avait + de 5 millions de personnes dans les rues, ce qui ne s'est jamais vu). Netanyahou n'a pas pu mener son projet à "bien".
Mais après le 7 octobre le pays était traumatisé par le choc de ces massacres, avec la menace permanente sur les otages. Oui, il fallait enfin démanteler le Hamas ! Mais la solution du gouvernement n'a pas été de favoriser le dialogue avec comme objectif le respect mutuel et le rejet des intégristes. La solution a été de convaincre plein de gens que la guerre totale au Hamas devait prendre la forme d'une guerre totale... aux Gazaouis. Une très grande part de la société israélienne a été fédérée par une propagande agressive, sur les seules bases de la haine et de la colère. Une propagande assortie de resserrement politique autour de la coalition au pouvoir, d'un verrouillage et d'attaques de la presse indépendante, de menaces sur les opposants politiques, de refuzniks incarcérés, etc. RSF a montré comment la liberté de la presse s'est effondrée en Israël.
En bref, les massacres du 7 octobre 2023 ont causé un double choc : une traumatisme pour la population israélienne ET une dégradation de la démocratie.

2 - sur l'évolution morale de la population
Le traumatisme du 7 octobre a servi le gouvernement. C'est horrible de dire ça mais c'est vrai, le traumatisme a FAVORISÉ le gouvernement dans sa réponse destructrice. On peut lire dans les sondages récents qu'une grande partie des juifs d'Israël sont OK pour détruire la bande de Gaza — avec ses habitants — au nom du retour des otages et de la sécurité. La peur et la haine ont fait régresser l'empathie.
Il y a 3 ans il était impossible de faire admettre à la population qu'on pouvait simplement détruire Gaza. Aujourd'hui c'est possible. Le message envoyé et largement repris c'est des horreurs comme, "Il faut finir le sale boulot", avec le même vocabulaire que les auteurs des des génocides passés.
Les membres du gouvernement ont déclaré dès octobre 2023 des dingueries comme "ll n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant, tout est fermé". Puis, "Nous combattons des animaux humains", et "à seulement quatre minutes de nos localités, il existe un foyer de haine et de terreur, où 2 millions de personnes se réveillent chaque matin avec le désir de détruire l’État d’Israël". En fait ce sont ces criminels qui militent pour que la population juive, elle, se réveille chaque matin avec le désir de détruire les Palestiniens. Rarement de telles violences n'ont été aussi documentées, malgré l'interdiction faite aux journalistes étrangers d'entrer à Gaza. Selon de nombreux observateurs on a rarement entendu des hauts responsables chargés d'opérations militaires exprimer aussi ouvertement une intention génocidaire.
On en est là : le pouvoir a conditionné sa population pour qu'elle désire la violence. Et une grande partie de la population israélienne accepte désormais que Tsahal tire sur les civils par milliers, bombarde leurs lieux de vies, leurs écoles, leurs hôpitaux, détruise l'irrigation, cible des journalistes et des médecins ; elle accepte que le gouvernement rompe un cessez-le-feu sans raison, généralise la famine et détruise Gaza-ville ; elle accepte que les colons puissent tuer les Cisjordaniens, les humilier, les tabasser devant leurs enfants, détruire leurs maisons.
Cette évolution de l'opinion révèle un bouleversement moral immense.
 
Août 2024. Des enfants palestiniens dessinent des images représentant les destructions dont ils ont été témoins à Gaza. © MSF
Août 2024. Des enfants palestiniens dessinent des images
représentant les destructions dont ils ont été témoins à Gaza.
© MSF


CONCLUSION :
L'état de la démocratie ET l'évolution morale de la population ont permis qu'aujourd'hui, le gouvernement entreprend la destruction physique d'un peuple, et de la destruction de sa culture (bibliothèques, lieux de culte, archives, sites archéologiques...). Et ce n'est pas avec UNE bombe, c'est des dizaines de milliers de bombes, des tirs, le règne de la famine et la destruction de tout ce qui protège et qui permet d'espérer. Cette réalité est reconnue, y compris en Israël, par des personnes et des organisations pas encore matrixées, et qui continuent à organiser la solidarité avec les Palestiniens.
 
RÉSUMÉ DE LA CONCLUSION POUR LES ABRUTIS :
Le gouvernement israélien EST DÉJÀ en train de commettre ce qui s'apparente à un génocide à Gaza, même si c'est pas avec une bombe.
 

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Ce que je pense, à titre très personnel : Israël se marginalise sur le plan mondial ; bientôt il ne restera qu'une partie de sa population juive radicalisée, acquise au fascisme, qui continuera à répéter qu'il faut détruire les Arabes pour garantir la sécurité, et ils seront soutenus par quelques communautés comme les évangélistes racistes aux Etats-Unis etc. Bref, si Israël ne change pas très vite de gouvernement et d'orientation politique, le pays sera relégué au banc des nations. Alors OK le Hamas sera sûrement écrasé, mais la population palestinienne toute entière sera ravagée, massivement, physiquement, politiquement, et durablement traumatisée.
Et ce qu'il faut d'ores et déjà imaginer, c'est qu'Israël perdra sa légitimité, son autorité, sa force, et pourra être beaucoup plus facilement démantelé. Et personnellement je n'ai pas assez d'imagination ni d'expertise pour concevoir ce que ça peut impliquer pour la population israélienne, si cela sera une chance, une menace ou le défi de tester autre chose. Mais une chose est sûre si les choses continuent ainsi : l'évolution d'Israël vers un Etat paria, sans légitimité politique, régi par une clique de vieux connards suprémacistes, marquera un changement de paradigme pour les populations israélienne et sans doute pour le monde juif.

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